Massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye : une historienne se bat pour faire éclater la vérité

Depuis plusieurs années, l’historienne Armelle Mabon se bat pour lever un coin de voile sur le massacre des tirailleurs sénégalais dans le camp Thiaroye, pendant la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, plus que jamais, elle est engagée pour que la France reconnaisse ce trait d’histoire.

1er décembre 1944. Sur l’esplanade du camp de Thiaroye, à Dakar, alors ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (AOF), des combattants africains de la 2e Guerre mondiale mitraillés par des balles françaises. Ils réclamaient le paiement de leurs primes. C’est un pan d’histoire parfois occulté, pis souvent travesti. Pourtant, elle reste une plaie béante dans l’histoire récente de l’Afrique. Armelle Mabon, maître de conférences à l’université Bretagne Sud et membre du “Collectif secret-défense : un enjeu démocratique”, elle, en a fait un postulat.

Depuis une vingtaine d’années, elle est engagée à jeter une lumière inédite sur cette affaire afin de redonner leur dignité à ces tirailleurs qui se sont battus aux côtés de la France. Sur la base d’un long dépouillement d’archives encore inachevé – durant lequel elle a rencontré des enfants d’anciens tirailleurs, pris connaissance de fosses communes – , elle contredit largement la version donnée par l’Etat français et certains historiens.

En effet, à la version de l’Etat français qui a jusqu‘à présent prévalu d’une rébellion de tirailleurs sénégalais matée ayant fait 70 morts, elle oppose un massacre de masse qui a plutôt fait plus de 300 morts, vulgairement ensevellis dans des fosses communes.

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Restituer aux tirailleurs leur honneur

En 2014, c’est l’historienne qui a ressuscité le débat au sommet de l’Etat français, poussant même le président français d’alors, François Hollande, à évoquer cette page sombre de l’histoire entre l’Afrique et la France lors d’un déplacement à Dakar. Mais une fois encore, l’histoire a été réécrite. Car l’ancien président a maintenu la version officielle à laquelle il a seulement modifié le bilan des morts, le faisant passer de 35 à 70, “si on ajoute les victimes décédées de leurs blessures”.

Mais pour Armelle Mabon, il est désormais temps que la France reconnaisse sa responsabilité et restitue la dignité de ces soldats africains. Dans une interview avec le magazine Les Inrockuptibles elle demande l’exhumation des corps, le déclassement des archives secrètes, le paiement des soldes aux descendants des tirailleurs ou encore la réhabilitation lors d’un procès en révision des tirailleurs qui n’ont pas été exécutés, mais condamnés à de la prison ferme.

Alors qu’elle-même, ainsi que “des hommes politiques (sénégalais) demandent l’exhumation des corps, l’historienne regrette au passage l’ombre de la Françafrique qui obscurcit également la manifestation de la vérité. “Le gouvernement sénégalais ne fait rien pour exhumer les corps tant que la France ne donne pas son feu vert. C’est encore la Françafrique”, martèle-t-elle.

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