S’ils condamnent des assassinats d‘éleveurs musulmans dans les Etats du centre du Nigeria, des chrétiens du Nigeria dénoncent aussi une sorte d’impunité dont jouiraient les auteurs de meurtres de chrétiens. Et interpellé Buhari à faire preuve de diligence.
Nigeria-violences intercommunautaires : l'Etat partial ?
Alex Amos, Alheri Phanuel, Saint Boniface, Jerry Gideon et Jari Sabagi risquent d‘être exécutés pour avoir écopé d’une condamnation à la peine capitale par un tribunal de l’Etat de l’Adamawa. Ces cinq chrétiens sont, en effet, reconnus coupables du meurtre d’un éleveur musulman en juin 2017.
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Une décision qui a sorti de ses gongs le monde chrétien. Ce mardi 19 juin, par exemple, l’Association chrétienne du Nigeria (CAN) est montée au créneau pour dénoncer la sentence. Mais aussi l’absence de fermeté de l’Etat vis-à-vis des musulmans auteurs présumés de meurtres de chrétiens.
« Nous la CAN ne soutenons ni la justice dans la jungle ni la criminalité. Nous remarquons avec regret que des centaines de nos membres dans les régions du sud du Kaduna, de Benue, de Taraba et du Plateau dans les zones du centre-nord ont été tués et continuent de l‘être par des criminels qui se font passer pour des bergers peuls, mais qui n’ont pas encore été appréhendés », a déclaré ce mardi 19 juin le révérend Supo Ayokunle, président de la CAN.
Et de poursuivre : “Pourquoi la cour a-t-elle déchargé les tueurs présumés de Mme Bridget Agbahime sur les ordres du gouvernement de l’Etat de Kano ? Pourquoi les responsables de la sécurité n’ont-ils pas arrêté ceux qui sont derrière les massacres de chrétiens dans le sud de Kaduna, alors que ceux qui ont été arrêtés pour le meurtre de Mme Eunice Elisha Olawale à Kubwa, Abuja, ont été libérés? ».
Supo Ayokunle exhorte ainsi Muhammadu Buhar à intercéder auprès du tribunal de l’Adamawa, afin de suspendre, et même annuler l’exécution de la sentence du juge Abdul-Azeez Waziri.
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La position de « l’homme de Dieu » semble à la mesure d’un contexte des plus explosifs. Selon l’agence locale pour la gestion des urgences (SEMA), ces violences intercommunautaires ont fait plus de 175.000 déplacés dans l’Etat de Benue depuis le début de l’année, dont 80.000 enfants, qui vivent pour la plupart dans des camps. Selon un rapport de septembre 2017 de l’International Crisis Group, plus de 2 500 personnes ont ainsi été tuées au Nigeria en 2016.
« Des musulmans impunis »
L’administration du président Muhammadu Bugari a déployé en mars dernier l’armée dans plusieurs États, dont celui de Benue, pour tenter d’endiguer ces violences intercommunautaires. Mais, jusqu’ici, les résultats ne semblent pas trop concluants.
Il y a aussi des attaques et attentats suicides de Boko Haram au nord. Depuis 2009, le conflit provoqué par la secte islamiste a conduit au déplacement de 2,4 millions de personnes dans le nord du Nigeria ainsi qu’au Cameroun, au Tchad et au Niger, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) de l’ONU. Fin janvier 2018, le HCR a lancé un appel de fonds de 157 millions de dollars (127 millions d’euros) pour venir en aide aux réfugiés déracinés par les violences de Boko Haram dans la région du lac Tchad.
Supo Ayokunle exige là aussi des mesures concrètes pour venir à bout de la secte islamiste.
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