Les kidnappings dans le nord du Nigeria sont devenus monnaie courante

Dans le district de Birnin Gwari, dans l’Etat de Kaduna (nord du Nigeria), les habitants vivent la peur au ventre et restent reclus dans leur maison face à la menace d’enlèvements ou d’attaques qui gangrène la région.

Les kidnappings contre rançons ont atteint un niveau jamais atteint au cours des deux derniers mois. Début mai, quelque cent personnes ont été enlevées en seulement deux jours au long de la route qui borde l’Etat de Zamfara, d’où viennent ces gangs criminels qui volent aussi le bétail et contrôlent le trafic illégal de l’or. 

“Lorsque quelqu’un doit voyager, sa famille, ses amis et ses voisins se rassemblent pour prier qu’il

ne lui arrive rien. Et lorsqu’il revient sain et sauf, ils organisent une grande fête”, poursuit l’homme. “Être kidnappé sur la route est devenu la norme. C’est un cauchemar que l’on ne trouve d’habitude que dans les livres.”, raconte un habitant, Kabiru Mohammed.

Un autre habitant de Birnin Gwari, Haruna Musa, raconte que la situation est telle que six “villages” entiers ont été abandonnés. Selon l‘émir local, figure traditionnelle très respectée, 2.000 personnes environ ont déjà fui leurs foyers.  

Responsabilité imputée aux milices

Selon les forces de sécurité locales, les heurts entre ces

milices civiles, “très puissantes” et les bandits ont fait des dizaines de morts. Le 6 mai, au moins 71 personnes ont été tuées dans le village de Gwaska.

Ces gangs sont repliés dans des camps de base au cœur de la forêt de Rugu, au carrefour entre les Etats qui composent le nord du Nigeria : Kaduna, Zamfara, Kano, Sokoto et Kebbi.

Dans l’Etat de Zamfara, le problème est rampant depuis de nombreuses années, les villages sont régulièrement pillés et attaqués, et le moindre bruit de moto est devenu suspect.

“Cela pourrait être un signe que les bandits arrivent”, explique un riverain. 

Selon les autorités locales, plus de 10.000 têtes de bétail ont été dérobées au cours des sept dernières années. 

“Les bandits mènent des attaques ciblées contre les fermiers qui osent encore aller aux champs”, confie un habitant, Nuhu Dansadau. 

“Ils leur coupent les mains et glissent les mains amputées dans leurs poches avant de les renvoyer chez eux, pour terrifier le reste du village”, poursuit-il.

Kidnappings contre rançon

Les kidnappings contre rançon sont nés, il y a une dizaine d’années dans le Sud-Est pétrolier, avant de se propager dans tout le pays. 

Les enlèvements avaient d’abord visé les expatriés, mais peu à peu, les Nigérians, toute catégorie sociale confondue, sont devenus les premières victimes.  

Dans le nord du Nigeria, et particulièrement dans l’Etat de Kaduna, les conflits pour les terres entre les agriculteurs et les éleveurs peuls nomades ont appauvri la région.

De jeunes peuls se sont organisés en groupes criminels, qui parcourent le nord du Nigeria et les pays voisins d’Afrique de l’Ouest, et récupèrent des armes provenant du Mali ou la Libye, explique Saleh Bayeri, président d’une association d‘éleveurs nomades. 

Ils n’hésitent d’ailleurs plus à s’attaquer aux forces de sécurité et, en mars, onze soldats nigérians ont été tués, forçant les troupes à se retirer. 

En avril, l’armée de l’air nigériane a été déployée à Zamfara, mais les communautés demandent une plus grande présence sécuritaire pour contrer le nombre de bandits et leur armement de plus en plus sophistiqué.

Le gouverneur de Zamfara, un Etat qui fait la taille de la Suisse en superficie et compte quatre millions d’habitants, a affirmé avoir moins de 3.000 policiers ou membres des services de sécurité mis à sa disposition par Abuja. 

Il leur a intimé de “tirer” sur toute personne armée dans les zones reculées de l’Etat, ne pouvant que faire craindre une escalade des violences à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle.
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