Botswana : démission du président Khama

Des chants et des cadeaux pour un événement rare. Au Botswana, la petite ville de Serowe (est) a fêté cette semaine l’enfant du pays, le président Ian Khama, qui s’apprête à démissionner dans le cadre d’une transition politique présentée comme exemplaire.

A des milliers de personnes massées dans une “kgotla”, une cour traditionnelle, pour l’implorer de renoncer à écourter son mandat, M. Khama, 65 ans, a répondu mardi qu’il tournait la page de sa vie publique sans regrets ni amertume, serein.

“J‘étais un soldat, je n’avais aucun intérêt à entrer en politique”, a-t-il lancé à la foule en guise de testament, “et j’ai plein de projets pour l’avenir, très loin de la vie politique”.

Au pouvoir depuis 2008, Ian Khama rendra officiellement samedi les clés du pays, dix-huit mois avant la fin de son mandat et les élections générales, pour respecter à la lettre la Constitution qui limite à dix ans le règne de ses chefs d’Etat.

Sous sa direction, le discret Botswana – 2,2 millions d’habitants pour un territoire un peu plus grand que la France – a connu une période de forte croissance économique, dopée par ses très lucratives exportations de diamants et de viande bovine.

Il s’est aussi imposé sur le continent africain en modèle en matière de bonne gouvernance et de protection de l’environnement, particulièrement riche en faune et flore sauvages.

Mardi donc, le futur ex-président a conclu à Serowe une tournée d’adieux entamée en décembre, qui l’a conduit dans la totalité des 57 circonscriptions du pays.

Honnête

Un retour aux sources pour cet ancien pilote militaire qui cultive une image d’homme proche du peuple, même si son père Seretse Khama fut, de 1966 à 1980, le premier président de l’ancienne colonie britannique devenue indépendante.

“C’est un homme honnête, direct” qui fait preuve d’un “réel amour”, a loué une octogénaire de sa ville, Edna Monyena, vêtue d’un pagne bleu floqué du portrait du président.

La ville de Serowe a couvert son héros d’une pluie de cadeaux à la mesure de sa fierté et de sa reconnaissance: un véhicule 4×4, 143 vaches, des centaines de poulets, l‘équivalent de 44.000 dollars en liquide et une luxueuse caravane aussitôt baptisée par son frère Tshekedi Khama la “présidence mobile”...

“J’aurais voulu qu’il reste cinquante ans de plus au pouvoir, jusqu‘à ce que le Tout-puissant le rappelle auprès de lui”, s’est pâmée une de ses “groupies”, Sadie Moleta, 23 ans.

Franc et direct, Ian Khama s’est fait une réputation de ne pas s’embarrasser outre-mesure des usages diplomatiques. Ses sorties contre ses homologues en témoignent.

Lorsque l’Américain Donald Trump a évoqué les Etats africains comme des “pays de merde”, il n’a pas hésité à faire convoquer son ambassadeur à Gaborone. Ni à réclamer la démission de son voisin du Zimbabwe Robert Mugabe ou celle du président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila.

S’il s’affiche volontiers en contraire de ces deux-là, le dirigeant du Botswana n’est toutefois pas exempt de reproches.

Leader moral

Sous sa férule, son Parti démocratique du Botswana (BDP) a remporté haut la main les élections de 2009 et 2014. Mais les critiques de M. Khama ont pointé du doigt sa méthode toute militaire d’exercer le pouvoir, aux limites de l’autocratie.

Sur le plan économique, d’autres ont souligné la persistance, depuis 2009 et la baisse des cours mondiaux du diamant, d’un fort taux de chômage dans son pays.

“Sur le plan international, il se présente volontiers en leader moral de la région, en exemple de président qui respecte les lois et les coutumes en démissionnant et se permet d’inviter les présidents Kabila et Mugabe à respecter la démocratie et l’Etat de droit”, note l’analyste Matteo Vidiri, du cabinet BMI Research.

“Mais le ralentissement de l‘économie et la grogne croissante de sa population écornent la belle image du président spécial d’un pays qui échappe à la malédiction des pays riches en ressources naturelles”, ajoute-t-il.

Ses adversaires politiques vont jusqu‘à reprocher à Ian Khama d’avoir favorisé une société de “mendiants”.

“Il a tué l’esprit d’autonomie en créant une dépendance à l’aumône”, regrette Kesitegile Gobotswang, le vice-président du Parti du Congrès du Botswana (BCP), rappelant que “l‘économie a perdu des emplois sous son règne”.

Le successeur de Ian Khama, l’actuel vice-président Mokgweetsi Masisi, 55 ans, sera investi dimanche.

AFP
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