Deux ans déjà, mais pas de sortie de crise en vue. Malgré ses efforts, le Mozambique ne parvient pas à sortir du scandale de sa “dette cachée”, qui pèse sur la confiance des investisseurs, les performances de son économie et sa vie politique.
Dette cachée : le Mozambique englué dans un scandale sans fin
La situation économique et financière empire au Mozambique, les créanciers du pays ont sèchement rejeté la dernière offre du gouvernement pour restructurer 2,2 milliards de dollars de sa dette publique, dont il a suspendu depuis plus d’un an tous les remboursements.
“Ce plan ne permet pas d’engager une discussion sérieuse en vue d’une solution réaliste”, a tranché le groupe qui représente 80 % des créanciers du Mozambique à l’issue d’une réunion à Londres avec son ministre des Finances, Adriano Maleiane.
Pas question, ont-ils fait savoir, d’accepter l’effacement pur et simple d’une moitié de la dette de Maputo, ni de reporter à 2029 les premiers paiements de son principal.
Les ennuis financiers du Mozambique ont débuté en avril 2016, lorsque ses dirigeants ont avoué avoir emprunté en secret 2 milliards de dollars pour acheter des navires militaires pour participer aux combats contre l’ex-rébellion de la Renamo.
Dans leur liste de courses figuraient notamment 6 patrouilleurs construits par les Constructions mécaniques du Normandie (CMN), une filiale du groupe Privinvest dirigé par l’homme d’affaires français d’origine libanaise Iskandar Safa.
Sitôt informés de l’opération, les bailleurs de fonds, Fonds monétaire international (FMI) en tête, ont gelé leur aide budgétaire, plongeant le pays dans une crise sans précédent.
D’un coup, le montant de sa dette est passé à 130% de son produit intérieur brut (PIB) en 2016 et l’a rapidement contraint à suspendre ses remboursements.
Parvenir à un accord équitable
Pour compliquer un peu plus le dossier, un audit du cabinet Kroll a révélé en juin dernier qu’au moins 500 millions de dollars de dépenses financées par cet emprunt étaient “inexpliquées”.
L’affaire dégénère alors en bataille politique. L’opposition accuse l’ancien président Armando Guebuza et son actuel successeur, Filipe Nyusi, de corruption et exige depuis l’annulation pure et simple des emprunts controversés.
L’offre de restructuration présentée par Maputo détaillait plusieurs options, dont l’extension jusqu‘à 16 ans de la maturité de la dette et l’effacement de 50 % de ses intérêts et pénalités.
Plus que ces scénarios, c’est le cadre macroéconomique retenu par le gouvernement qui a refroidi les créanciers.
À peine 2,8 % de croissance en 2018 (6,6 % en 2015), un retour à l‘équilibre budgétaire retardé à 2022 et, surtout, aucun revenu significatif des gisements gaziers du nord avant 2023…
“En clair, ça veut dire que la dette n’est pas soutenable, quoi que fasse le gouvernement”, a résumé l’analyste John Hanlon.
Le Mozambique sait depuis 2010 qu’il est assis sur un trésor : 5.000 milliards de m3 de gaz qui doivent le faire monter sur le podium des principaux exportateurs mondiaux.
Mais le faible niveau des cours des hydrocarbures a retardé le coup d’envoi de l’exploitation. Et la perspective de voir ces dollars engloutis dans le service d’une dette abyssale – encore 112 % du PNB l’an dernier – indigne la société civile.
“Ce plan de restructuration menace le bien-être de la population”, déplore l‘économiste Celeste Banze, de l’ONG Centre pour l’intégrité publique (CPI). “La proposition a été faite pour les seuls créanciers, c’est très mauvais”.
L’opposition refuse toute négociation et évoque des poursuites
“Nous refusons toute renégociation car ça va continuer à créer des problèmes dans le pays”, renchérit Jose Manteigas, le porte-parole du principal parti d’opposition, la Renamo. “Nous exigeons que ceux qui ont contracté cette dette et ceux qui ont détourné de l’argent soient poursuivis”.
Même si la décision a été prise par son prédécesseur, Armando Guebuza, le président Filipe Nyusi, alors ministre de la Défense, s’est vite retrouvé lui aussi au coeur du scandale.
Candidat quasi certain à un nouveau mandat l’an prochain, le voilà désormais en position très délicate.
Pris entre les tirs croisés du Fonds monétaire international (FMI), qui exige la levée du secret sur les fonds “disparus” de la dette en échange de la reprise de son aide, et ceux de son parti qui espèrent son silence en échange de leur soutien…
“L’impératif de gagner les élections locales de 2018 et nationales de 2019 limite la possibilité pour M. Nyusi de parvenir à un accord avec le FMI, indispensable pour relancer l’investissement et la croissance”, juge Darias Jonker, analyste chez Eurasia Group. “Et l’absence de croissance limite sa marge de manoeuvre dans les négociations de restructurations”.
Malgré l‘échec du rendez-vous de Londres, Maputo et ses créanciers ont promis de se revoir en avril à Washington pour tenter d’aboutir à un “accord équitable”.