La bonne gouvernance électorale, facteur d'une paix durable en Afrique

Élections présidentielles, législatives, locales…. Comme la Guinée tout récemment, la Sierra Leone, l‘Égypte, le Cameroun, le Gabon et la RDC ont rendez-vous avec les urnes cette année. Mais, quelle gouvernance électorale pour qu’aient lieu des alternances pacifiques dans ces pays africains ?

Sept morts dont cinq enfants, c’est le bilan des violences après les élections locales du 4 février en Guinée, les premières depuis la fin des régimes autoritaires. Mais, ce n’est pas la première fois qu’une élection se solde par des morts dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. En 2015, au moins treize Guinéens ont été tués dans des heurts après la publication des résultats du deuxième tour de la présidentielle entre Alpha Condé (57, 85%) et Cellou Dalen Diallo (31,44%). Cinq ans auparavant, les violences électorales avaient fait au moins sept morts.

Heurts entre forces de l’ordre et manifestants à Conakry

Mais, la Guinée est loin d‘être une exception dans un continent où chaque élection est toujours synonyme de psychose. L’année dernière, le Kenya a perdu certains de ses fils pendant la période électorale. Et le cas le plus emblématique dans ce pays, voire dans tout le continent, reste les 1500 morts enregistrés dans des heurts post-électoraux en 2007. Tout porte à croire donc que depuis le début du processus de démocratisation dans les années 1990, en Afrique, chaque élection a toujours eu sa part de pertes en vies humaines.

Manifestations en Guinée

La mauvaise foi des politiciens

Un phénomène à plusieurs facteurs, notamment la perfidie des acteurs politiques. À commencer par le refus de l‘évidence offerte par les urnes. Ici, très souvent, ce sont les opposants qui sont pointés du doigt. Eux qui, bien que conscients de leur ostensible impopularité en raison d’une certaine incapacité à proposer des projets alternatifs pertinents, s’empressent de faire descendre leurs partisans dans la rue pour bouder les résultats des élections.

Mais, s’il faut blâmer l’opposition, qu’en est-il de l’organisation des élections en Afrique ? « On n’organise pas une élection pour la perdre », disait un dirigeant africain dans les années 1990. Peu importe le signifié d’une telle assertion, c’est là que très souvent, le bât blesse. Notamment au niveau des institutions dont les commissions électorales.

Des commissions dont l’indépendance surtout financière vis-à-vis des gouvernements n’est souvent pas clairement établie. « La CENI n’est pas seule dans ce processus (électoral, NDLR). Nous aurons besoin des garanties du gouvernement que le financement sera là. Nous avons besoin du Parlement parce que nous avons encore deux lois en souffrance, pour que tout le monde regarde dans la même direction », déclarait en juillet dernier sur RFI, Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de la RDC. À plus forte raison, ces commissions sont souvent mises en place de manière unilatérale par les régimes en place.

Corneille Nangaa, président de la Commission électorale de la RDC

Il y a aussi les faits et gestes des gouvernants…. Au Congo par exemple, il a fallu couper les communications (internet et téléphonie mobile) pour procéder au dépouillement des bulletins de la présidentielle anticipée de 2016. Ce qui a été très mal perçu par des opposants et une bonne partie de la société civile, même s’il était question de « préserver le peuple congolais contre la chienlit, contre des rumeurs qui auraient pu semer le trouble dans ce pays qu’il juge fragile », selon les explications de Thierry Lézin Moungalla, ministre congolais de la communication.

Thierry Lézin Moungalla, ministre congolais de la communication

L’année dernière au Kenya, la Commission électorale (IEBC) avait déclaré Uhuru Kenyatta vainqueur de la présidentielle du mois d’août. Mais, si la Cour suprême kényane avait invalidé cette élection, rares sont les cours constitutionnelles et/ou suprême en Afrique qui mettent en cause les rapports des commissions électorales.

Du coup, on se retrouve quasiment dans la même situation qu’au temps des régimes autoritaires. Comme dans l’ex-Zaire où le maréchal Mobutu seul et unique candidat, organisait seul les élections présidentielles dont il était seul vainqueur. Ce qui est carrément aux antipodes des principes fondamentaux de la démocratie dont se réclament de nombreux acteurs politiques en Afrique.

Bénin, Botswana, Ghana… De beaux exemples

Et si plusieurs présidents se font passer pour des « apôtres » ou « seuls garants » de la paix dans leurs pays, ils gagneraient à améliorer de manière significative la gouvernance électorale afin de rassurer même leurs opposants. De manière à ne pas prêter le flanc à des troubles à la paix.

Seretse Khama Ian Khama, Président de la République du Botswana

La Sierra Leone, le Cameroun, le Gabon, la RDC et l‘Égypte devraient ainsi agrandir le groupe du Botswana, du Bénin et du Ghana. Trois des rares pays africains où les candidats malheureux aux élections n’ont jamais hésité à féliciter les vainqueurs le jour même du scrutin. Ces Nations où, même si la perfection n’est pas de ce monde, aucun acteur politique fût-il opposant radical ou extrémiste n’a jamais boudé les résultats des urnes.
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