Etats-Unis : l'éternel débat autour du port d'armes à feu

La récente tuerie au lycée de Parkland en Floride, qui a fait 17 morts, fait ressurgir le sempiternel débat relatif à la vente et au port d’armes à feu au pays de l’oncle Sam. En toile de fond, la toute-puissante NRA (National Rifle Association), la très controversée association à but non-lucratif de protection des droits civiques. Celle-ci a pour but la promotion des armes à feu aux États-Unis, entre autres.

Et c’est reparti pour un tour. Le débat sur la vente et le port d’armes à feu est relancé plus que jamais aux Etats-Unis, comme c’est le cas après chaque fusillade. En effet, la tuerie de Parkland (la 18e fusillade dans les écoles depuis le début de cette année aux USA) fait à nouveau parler de la NRA. Les élus républicains ont bien sûr soigneusement évité d‘évoquer ce délicat sujet. À ce propos, le sénateur Marco Rubio laissait entendre que « les lois sur les armes n’auraient pas empêché Parkland ». Et Paul Ryan, la tête de file des républicains à la Chambre des représentants de lancer un « ce n’est pas le moment de remettre en cause le droit des citoyens à porter une arme ».

La fusillade de Parkland a fait régir les élus républicains sur Twitter, qui y ont exprimé leurs condoléances aux familles éplorées. Initiative qui a fait bondir plus d’un. Les réactions ne se sont pas fait attendre, certains répondant directement à ces élus sur le même réseau social.

C’est le cas par exemple de cette internaute qui, s’appuyant sur les chiffres du massacre de Las Vegas perpétré en 2017, publie en guise de réponse : « halte à l’hypocrisie, tout ceci ne serait pas arrivé si vous n’aviez pas fait son jeu (celui de la NRA). » Elle ajoute au passage que les élus républicains bénéficient des largesses financières de la NRA.

La NRA est en réalité une puissante institution au pays de Donald Trump. Forte de 4 millions de membres, elle milite depuis maintenant 50 ans pour la promotion du port d’armes à feu, droit inaliénable pour tous les citoyens américains, si l’on se réfère à la Constitution des Etats-Unis. Et pourtant, créée en 1871, le tout-puissant lobby des armes à feu n‘était qu’une petite association de chasseurs et d’amateurs de tir sportif jusqu’en 1960.

Mais le Gun Control Act, la loi de 1968 relative à la régularisation du commerce des armes à feu, adoptée part le gouvernement, fait changer la donne. La NRA, qui voyait là sa probable disparition, s’est cabrée, a changé de slogan en s’appuyant sur le second amendement de la Constitution américaine : « Le droit que le peuple a de détenir et de porter une arme ne sera pas transgressé. »

Les détracteurs et adversaires du lobby des armes, à défaut de le voir disparaître, tentent de le contrer sur les volets de la vente, de l’achat ou du port des armes. Et là encore, la NRA a plus d’un tour dans son sac. Voyant chaque projet de réglementation mettre en danger ses libertés si jalousement gardées, la National Rifle Association contre-attaque à chaque fois.

Ce fut le cas par exemple lorsque la loi Brady de 1993 tentait de soumettre les associations telles que la NRA à la vérification des antécédents psychiatriques et judiciaires lors de l’achat d’une arme neuve. L’argument de la NRA pour tordre le cou à cette réglementation ? La loi Brady pourrait entraîner les enregistrements des ventes d’armes et favoriser leurs confiscations. Et le lobby obtint ainsi victoire. Un autre slogan de l’organisation fait partie de ses succès aux Etats-Unis : « la seule chose qui arrête un méchant avec une arme est un gentil avec une arme ».

La NRA, véritable maître à penser de la vie politique américaine

Autre force de la NRA : l’argent. En effet, l’association n’en manque pas, vu les dons dont elle bénéficie et les colossaux revenus issus des publicités sur les armes à feu. Les millions de dollars pleuvent donc et la NRA s’offre même le luxe de choisir ses candidats aux différentes élections, même présidentielles, les notant de A à F, indices qui lui permettent de juger les positions de ces candidats sur le délicat sujet du port d’armes. Les ‘‘bons élèves’‘ se voient récompenser en espèces sonnantes et trébuchantes. Quant aux ‘‘mauvais élèves’‘, ils sont tout simplement victimes d’intenses campagnes de dénigrement.

Célia Belin, chercheuse au Brookings institute de Washington, témoigne : « quand la NRA fait des campagnes politiques contre certains candidats, cela peut être tout à fait dévastateur. »

Didier Combeau, spécialiste des Etats-Unis et auteur de ‘‘Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux Etats-Unis’‘ : « un petit pourcentage d’Américains se détermine uniquement en fonction de cela. Et c’est ce petit pourcentage qui peut faire basculer une élection. »

En général, les républicains sont pro-NRA et les démocrates, foncièrement opposés à cette organisation. Mais cette opposition démocrate ne se fait pas de façon frontale, vu la puissance quasi-destructrice du lobby des armes à feu. Les démocrates, méfiants, préfèrent une approche plutôt subtile dans leur combat contre la National Rifle Association, choisissant avec grande finesse leurs mots dans cette guerre aux allures de David contre Goliath.

Recul de la réglementation, jusqu’au niveau fédéral

Selon Didier Combeau, cette grande méfiance des démocrates a provoqué ces trente dernières années un recul de la part des partisans de la réglementation (les anti-NRA, entre autres) et une trop grande tolérance observée par les Etats vis-à-vis des armes à feu.

L’un des exemples les plus frappants est la fameuse loi Stand Your Ground, adoptée en 2005 en Floride, là où a eu lieu la récente tuerie. Elle donne le droit à tout individu qui défend son droit de rester là où il se trouve, y compris en tuant, d’être exonéré de poursuites judiciaires. Et pour ne rien arranger chez les partisans de la réglementation, l’interdiction des armes d’assaut (voir photo), votée par le Congrès en 1994, n’a pas été renouvelée au niveau fédéral (sur le plan national).

Aux Etats-Unis, les points de vente des armes à feu sont plus nombreux que les ‘‘fast food’‘ et autres supermarchés, réunis. Mais d’après un sondage de l’institut Gallup publié en novembre dernier, de nombreux Américains sont pour la réglementation des armes à feu. Didier Combeau lui, n’est pas optimiste pour autant : « mais quand il s’agit d’interdiction, ils y restent largement opposés. »

Ce n’est donc pas demain que le débat sur le port d’armes connaîtra son épilogue aux Etats-Unis. Et les beaux jours de la toute-puissante NRA sont encore nombreux.
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