Cameroun: une fête de la Jeunesse marquée par des violences en régions anglophones

La fête de la Jeunesse au Cameroun a été marquée dimanche par la mort de trois gendarmes et la disparition d’un sous-préfet en régions anglophones où un conflit oppose l’armée camerounaise aux séparatistes anglophones.

“Trois gendarmes (ont été) tués à Kembong (dans la région du Sud-Ouest). Il y a eu quelques attaques parsemées et maîtrisées”, a déclaré dimanche à l’AFP le colonel Didier Badjeck, porte-parole de l’armée camerounaise, joint dimanche depuis Libreville.

A Batibo, dans la région du Nord-Ouest anglophone, la voiture du sous-préfet, Namata Diteng, a été retrouvée brûlée dimanche matin, et son propriétaire restait introuvable dimanche après-midi, selon le député de Batibo présent sur place, Joseph Mbah-Ndam.

“On a constaté que la voiture du sous-préfet a été emportée et brûlée par des inconnus dans un endroit isolé. Je ne sais pas s’il a été effectivement enlevé ou alors s’il a pu s’enfuir”, a déclaré à l’AFP le député du premier parti d’opposition, le Social democratic front (SDF) et vice-président de l’Assemblée nationale.

M. Mbah-Ndam a ajouté que le défilé de la fête de la Jeunesse du 11 février, qui devait être présidé par le sous-préfet, n’a de fait pas eu lieu à Batibo.

“Les gens se sont retirés chez eux par peur d‘éventuelles violences, en représailles, de l’armée”, a indiqué le député, joint par téléphone depuis Douala.

Depuis le début de la crise anglophone en octobre 2016, 26 membres des forces de sécurité ont été tués par des séparatistes présumés en régions anglophones, selon un décompte de l’AFP sur la base des déclarations officielles de Yaoundé.

Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest regroupent les habitants anglophones du Cameroun, soit 20% de la population. Elles sont secouées depuis plus d’un an par une profonde crise socio-politique, qui s’est peu à peu muée en conflit armé de basse intensité.

Guerre sur les réseaux sociaux

Les séparatistes, que Yaoundé qualifie de “terroristes”, menacent depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux de troubler les célébrations du 11 février, date du référendum qui a réuni francophones et anglophones camerounais en 1961 et que Yaoundé a transformé en 1966 en “fête de la Jeunesse”.

En réaction, le ministère de la Défense a intimé vendredi aux troupes présentes en zones anglophones de mener des opérations à l’“offensive en direction (des) voies menant au Nigeria”, dans une note confidentielle consultée et authentifiée par l’AFP.

Les deux régions anglophones camerounaises sont frontalières du Nigeria, où Yaoundé suspecte les séparatistes d’avoir établi leur base arrière. Un couvre-feu a aussi été instauré dans ces deux régions, vendredi.

Dans une vidéo publiée sur Internet, un leader sécessionnistes, Sako Ikome Samuel, qui se présente comme “président par interim” de l’Ambazonie —du nom que les séparatistes entendent donner à leur Etat indépendant fictif— a appelé vendredi à l’“auto-défense” contre l’armée camerounaise.

Sisiku Ayuk Tabe, chef de file du mouvement séparatiste, a été arrêté au Nigeria avec 46 militants autres sécessionnistes puis extradés vers Yaoundé fin janvier, où ils devront “répondre de leurs crimes” devant la justice, selon le gouvernement camerounais.

Le président Paul Biya a appelé dans un discours prononcé samedi les jeunes à être des “internautes patriotes” sur les réseaux sociaux, terrain d’expression de la nébuleuse séparatiste qui y appelle ouvertement au “soulèvement”.

Des écoliers défilent à Yaoundé

Dans son discours, le président Biya, 85 ans dont presque 35 au pouvoir, a néanmoins jugé que la situation s‘était “stabilisée” en régions anglophones.

Peu d’informations circulent sur la situation en régions anglophones, zone sécuritairement verrouillée. Aucun bilan sur le nombre de morts civils ou de séparatistes n’a pu être établi de source indépendante depuis le début de la crise.

Les habitants des deux régions anglophones comme dans le reste du pays sont majoritairement des jeunes, de moins de 25 ans, selon les dernières statistiques officielles disponibles.

Près de 33.000 personnes, essentiellement des villageois, se sont réfugiées au Nigeria, fuyant les violences.

Dans la capitale camerounaise, le défilé du 11 février a eu lieu, comme chaque année, sur le boulevard du 20 mai, l’une des artères principales de Yaoundé.

De nombreux écoliers y ont pris part, “au rythme des chants patriotiques en français et en anglais”, selon la télévision d’Etat, la CRTV.

Des élections générales dont la présidentielle sont prévues au Cameroun fin 2018. Selon des observateurs, la profonde crise socio-politique que Yaoundé traverse dans ses régions anglophones pourrait perturber ces scrutins.

AFP
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