Les principaux syndicats au Tchad ont appelé lundi à une grève “générale illimitée” pour protester contre les mesures d’austérité imposées par le gouvernement, en premier lieu la baisse des salaires des fonctionnaires, une grogne sociale inédite aux allures de fronde contre le régime du président Idriss Déby Itno.
Tchad : grogne sociale et "grève générale" contre le gouvernement
“Le gouvernement a mis à exécution toutes ses menaces qui pèsent sur les salaires”, déplorent dans un communiqué lundi les syndicats, qui ont appelé à “une grève générale illimitée dans le secteur public sur toute l‘étendue du territoire”.
Les salariés sont appelé à la grève dès ce lundi. Seul un “service minimum” sera assuré dans les secteurs de la santé, ont précisé ces organisations.
En parallèle, des responsables des organisations de la société civile et des artistes ont animé une conférence de presse pour dénoncer les coupes de salaires malgré l’augmentation des denrées sur le marché, la hausse des prix du carburant ou encore les mesures de répression et les interdictions de “marches pacifiques”.
Les fonctionnaires tchadiens ont constaté ces derniers jours une baisse de leur salaire du mois de janvier, conséquence de la nouvelle loi de finances 2018, qui ampute les émoluments des fonctionnaires d’une partie de leurs primes et indemnités.
Pays allié de la France et de l’Occident dans la lutte contre le jihadisme au Sahel et qui abrite la base de l’opération française Barkhane, le Tchad traverse depuis deux ans une sévère récession économique, conséquence de la chute des prix du baril depuis 2014, alors que près de 40% de la population de plus de 14 millions d’habitants vit sous le seuil de pauvreté.
L’Etat a imposé des mesures d’austérité drastiques, estimant que le Trésor public n’a aucun moyen de supporter une telle masse salariale, face à un endettement à hauteur de 800 milliards FCFA (1,2 milliard d’euros) auprès des banques commerciales.
Les récentes mesures d’austérité mais aussi la montée du prix du carburant ont été les récents déclencheurs de cette grogne sociale grandissante dans le pays dirigé depuis 1990 par le président Idriss Déby Itno.
Arrestations
Depuis la semaine dernière, plusieurs mouvements de protestation – transporteurs, enseignants, élèves ou société civile – ont touché le pays et notamment la capitale N’Djamena.
Dans un pays où peu de manifestations de rue sont autorisées, sous prétexte de menace à la “sécurité”, des manifestants ont tenté de marcher pour protester contre les mesures d’austérité et la “mauvaise gouvernance” du pays.
Lundi matin, la police tchadienne a tiré des gaz lacrymogènes à N’Djamena lors pour disperser des rassemblements d‘étudiants, au premier jour d’une grève générale des enseignants du supérieur. 112 personnes ont été interpellées à la suite de ces protestations qui ont donné lieu à des casses, selon la police.
Après les divers mouvements de protestation la semaine dernière, 67 personnes ont été déférées au parquet ce lundi avant d‘être tous relaxés par la justice, a indiqué à l’AFP le porte-parole de la police.
Jeudi dernier, des organisations de la société civile et des syndicats avaient appelé à une marche nationale contre “la mauvaise gouvernance, les injustices de toutes sortes et les mesures anti-sociales prises par le gouvernement”.
La manifestation avait été interdite par les autorités, et les forces de l’ordre, déployées en masse dans la capitale, avaient dispersé sans ménagement toute tentative de regroupement, tandis qu’internet était coupé jusqu‘à la mi-journée. La ville de Moundou, dans le sud, a connu une situation similaire.
Le lendemain, le président Déby a remplacé sans aucune explication ses ministres de la Sécurité et de la Fonction publique.
Le mouvement reste pour le moment à caractère social, mais sous les slogans anti-austérité, les critiques pleuvent contre le régime. “La population tchadienne aujourd’hui est devenue la risée du monde par la faute de nos dirigeants qui sont incapables après plus de 27 ans de gouvernance de réunir des conditions minimales de vie”, a fustigé lundi le rappeur Rays’ Kim Edm, qui a lancé un appel au peuple tchadien, “victime de la servitude imposée par le MPS” (parti au pouvoir), pour qu’il “arrache sa liberté”.
L’un des principaux animateurs de la société civile, Mahamat Nour Ibedou, a quant à lui de nouveau accusé le régime Déby de “desservir le peuple tchadien par des mesures anti-sociales”.
AFP