Zimbabwe : l'ombre des tueries de Gukurahundi ressurgit

Le président du Zimbabwe est interpellé par les populations au sujet des tueries de Gukurahundi – dans le sud-ouest du pays – qui ont fait près de 20 000 morts dans les années 80 du temps où il était ministre de la Sécurité d’État de Robert Mugabe.

Pour se purifier et se débarrasser du mauvais sort, Jochonia Moyo cueille des herbes sauvages, après une brève visite dans l’ancien camp de détention de Bhalagwe au Zimbabwe.

Il a été incarcéré en1984, pour avoir participé à un rassemblement de la ZAPU, un parti politique rival de la ZANU-PF de Robert Mugabe. Il était battu à coups de gourdin et contraint de frapper ses co-détenus.

‘‘Beaucoup de gens sont morts ici. Des frères, des amis. Les survivants portent toujours les marques de leurs blessures, ils ont des cicatrices sur tout le corps. Imaginez être fouetté avec des ronces, les épines qui restent plantées dans votre corps…’‘ se rappelle l’ancien prisonnier politique.

Entre 1983 et 1984, environ 20 000 Zimbabwéens ont été tués par le régime de Mugabe – des hommes, des femmes et des enfants, majoritairement de l’ethnie Ndebele.

Cette répression de l’opposition est connue sous le nom de massacre de Gukurahundi.

‘‘Quand nous sommes arrivés à Bhalagwe, nous avons trouvé des fosses communes. Tellement de gens étaient morts ici, que partout où nous posions les pieds le sol était glissant à cause des mares de sang.’‘ Raconte Charles Thomas, survivant du massacre.

Aujourd’hui, les langues des victimes se délient. Les survivants demandent que justice soit rendue ; ils interpellent directement le nouveau président Emmerson Mnangagwa qui aurait pour certains, une part de responsabilité dans ces massacres.

‘‘Nous ne supplierons par Mnangagwa de s’excuser ou de nous dédommager – nous n’avons rien à dire de plus, nous savons quel a été son rôle dans le massacre de Gukurahundi. Il était là, et il a du sang sur les mains.’‘ s’indigne Patricia Tshabalala, survivante du massacre.

À l’époque des massacres, il était ministre de la sécurité d’État. Aujourd’hui, il rejette toute responsabilité personnelle.

En 1999, Robert Mugabe a reconnu un ‘‘moment de folie’‘, en restant très discret sur la question.

Fin 2017, les familles de victimes ont demandé que les corps de leurs proches soient exhumés des fosses communes pour recevoir une sépulture décente.

Plus de trente ans après, aucun monument officiel ne rend hommage aux milliers de victimes. Et la région du Matabeleland reste sous-développée, constate David Coltart, auteur de “La lutte continue : 50 ans de tyrannie au Zimbabwe”.
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