Nous faisions mention dans l’une de nos récentes publications d’une loi relative au droit de grève au Bénin. Loi votée par les parlementaires sous le libellé d’article 50 et qui interdit le droit de grève à certains fonctionnaires. Comme il fallait s’y attendre, cette loi est très loin de plaire à tout le monde et ce ne sont pas les réactions qui se font rares.
Le débat sur le droit de grève fait rage au Bénin
L’article 50 votée le 28 décembre dernier à l’Assemblée nationale brise le rêve de droit de grève des fonctionnaires de la santé, de la justice et de la sécurité. Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions. Tandis que l’opposition et les syndicats crient leur désaccord, les membres de la majorité présidentielle acclament l’article 50 à tout rompre.
Les anti-article 50 s’insurgent, parlant de « régression ». Adolphe Houssou, qui s’exprime ici au nom des syndicats de la santé, est amer : « je dis bien, les députés du président Patrice Talon ont voté une loi pour supprimer la grève en violant l’article 31 de la Constitution béninoise qui nous confère ce droit. C’est grave ! »
De l’autre côté, les pro-article 50 maintiennent leur position. Abdoulaye Gounou, député, membre de la majorité présidentielle et vice-président de la commission des lois : « oui, c’est notre rôle, on l’a fait et on l’assume. Vous imaginez un député de l’opposition introduire une telle proposition de loi ? Non. Aucun député de l’opposition dans aucun pays du monde ne le ferait. »
Le parlementaire poursuit son argumentaire, revenant au passage sur le motif phare des défenseurs de l’article 50 : l’aspect dit sensible des secteurs visés par la controversée loi.
Secteurs sensibles contre textes du Bureau international du travail
« Chaque Etat sait quel est son secteur le plus sensible. La santé, la justice, la sécurité sont des domaines où le service ne saurait être discontinu au sein des conventions de l’Organisation internationale du travail. », conclut monsieur Gounou.
En clair, pour les supportes de l’article 50, il n’est pas question que les personnels de la santé, des établissements pénitantiares, de la police et de la justice (entre autres) entrent en grève, leurs mouvements d’humeur étant susceptibles de perturber les fondements même du pays.
Mais tout cet argumentaire est rapidement froissé par Adolphe Houssou. Ce dernier renvoie les pro-article 50 aux textes du Bureau international du travail (BIT). Adolphe Houssou martèle que « même si dans un secteur dit essentiel, on veut supprimer le droit de grève, les textes du Bureau international du travail ont été clairs en disant qu’on doit chercher des mesures compensatoires. »
Mais la bataille s’annonce encore plus rude, avec les magistrats et les syndicats, qui tiennent leur « conseil de guerre » ces jeudi et samedi. Procéderont-ils à des grèves ou à un recours devant la Cour constitutionnelle ?
Les jours à venir nous situeront sur la conduite qu’ils adopteront. Une chose est sûre, le pouvoir de Patrice Talon, qui avait commencé sur une surface plane, s’engage maintenant sur un terrain rocailleux et fort instable.