L’Allemagne est-elle en mesure d’intégrer les réfugiés sur son marché du travail ? Faut-il les expulser ? Angela Merkel sera-t-elle sanctionnée dans les urnes pour sa politique d’accueil ? Ces questions sont au coeur de la campagne des législatives fédérales le 24 septembre. Notre reporter Hans von der Brelie est parti en Bavière à la rencontre de migrants et d’habitants partagés entre solidarité et rejet.
Élections allemandes : les migrants sont-ils toujours les bienvenus ?
C’est une terre de traditions confrontée à la nouveauté. Comme pour d’autres régions d’Allemagne, l’arrivée de nombreux migrants depuis deux ans – plus d’un million à l‘échelle du pays – représente un défi pour la Bavière, en particulier pour ses secteurs ruraux.
Comment intégrer les nouveaux arrivants sur le marché du travail ? Faut-il les autoriser à rester ou les expulser ? Ces questions agitent la campagne des législatives du 24 septembre.
Sur un chantier de construction dans un village, nous discutons avec Thiare Ousseynou : il vient du Sénégal considéré comme un pays sûr. Ses ressortissants n’ont donc aucune garantie d’obtenir l’asile politique en Allemagne. “Il y a des gens dont la mère et le père ont faim à la maison, on devrait être d’accord quand ils partent en Europe pour ensuite leur envoyer de l’argent, lance-t-il. Au Sénégal, la situation est OK, il n’y a pas la guerre, mais quand on se lève le matin, on n’a rien à manger, ça, c’est une sorte de guerre quotidienne,“juge-t-il.
Besoin de main-d’oeuvre
Les conservateurs et les sociaux-démocrates réclament que l’on rapatrie les ressortissants africains dans leur pays d’origine, les Verts et la gauche s’y opposent.
Le patron de Thiare pense du bien de son apprenti, il aimerait le garder dans ses effectifs. “Il parle bien allemand, estime Adolf Kugelmann. Mais quand il doit écrire en allemand, il a vraiment des problèmes : pour communiquer avec les collègues sur le chantier, ça va, mais s’il rate son test écrit, il n’aura pas son certificat d’apprentissage et il sera menacé d’expulsion, ajoute-t-il avant de s’interroger : Pourquoi quelqu’un comme lui devrait-il quitter l’Allemagne ? Le pays d’origine ne devrait pas avoir d’importance, l’industrie et l’artisanat ont besoin de gens qualifiés,” affirme le chef d’entreprise.
Des villageois opposés à l’ouverture d’un centre d’accueil
À Pfenningbach, un village proche de l’Autriche de 300 habitants, la problématique est autre : un centre d’accueil de demandeurs d’asile doit y ouvrir ses portes. Comme plusieurs de ses voisins, Martha Danninger, une habitante, pense que c’est trop : “Dans notre rue, il y a douze maisons avec 25 habitants. Et aujourd’hui, on nous demande d’intégrer 102 demandeurs d’asile !”
Franz Fuchs, autre résident, précise : “Le conseil des habitants a voté à l’unanimité contre ce projet, mais le conseil municipal a tout simplement ignoré le résultat de cette consultation.”
Christian Erntl, un voisin, l’assure : “Cela ne marchera pas, on ne peut pas concentrer 102 personnes dans un village aussi petit et puis, ces 102 personnes seront principalement des hommes et ils auront différents pays d’origine. Inévitablement, cela va créer des conflits,” assure-t-il.
Autre habitant, Franz Danninger lance : “Que ce soit 102 Syriens, 102 Afghans ou 102 Bavarois, ça sera toujours la même chose : quand les gens vivent aussi proches les uns des autres, cela mène à des agressions, tout d’abord à l’intérieur du groupe, puis à l’extérieur.”
Apprenti, mais menacé d’expulsion
Être accepté, c’est l’objectif de Rias Khan. À Parsdorf, près de Munich, ce jeune homme originaire du Pakistan travaille dans une jardinerie qui a reçu du gouvernement fédéral, un Prix de l’intégration pour avoir recruté des migrants depuis plusieurs années. Malgré tout, la situation est délicate pour Rias. Il risque l’expulsion. “Je suis en apprentissage, mais j’ai reçu un avis d’expulsion, je ne sais pas si je vais pouvoir rester ou non,” regrette-t-il.
Rias est soutenu par ses collègues et la dirigeante de la jardinerie. “La difficulté concrète, fait remarquer Sonja Ziegltrum-Teubner, c’est qu’il existe un statut qui protège de l’expulsion pendant les trois ans de formation professionnelle et les deux années suivantes, mais cela dépend du pays d’origine : si leur pays est considéré comme sûr, les apprentis ne sont pas en règle aux yeux des autorités et ils ont besoin d’une autorisation spéciale.”
“Instaurez une date butoir !”
Recueillons le point de vue du président de la Chambre de commerce de Munich. Selon lui, environ un tiers des réfugiés ont obtenu une formation ou un emploi l’an dernier. Il souligne que leur intégration peut prendre plusieurs années évoquant les difficultés liées à la langue, au logement et aux démarches administratives.
Et voici ce qu’il demande au prochain gouvernement : “Instaurez une date butoir ! insiste Peter Driessen. Tous les réfugiés qui sont arrivés avant le printemps 2016 devraient avoir droit à une procédure plus facile, il faudrait en finir avec toute cette paperasserie,” souligne-t-il.
Si la plupart des partis et de très nombreux électeurs sont d’accord pour protéger ceux qui sont persécutés dans leur pays, de plus en plus d’Allemands ne veulent pas accueillir les migrants économiques.