Le polémiste français Kémi Séta a été acquitté mardi par un tribunal de Dakar, où il était poursuivi pour avoir brûlé un billet de 5.000 francs CFA (7,6 euros) lors d’une manifestation contre la “Françafrique” le 19 août dans la capitale sénégalaise.
Sénégal : le polémiste Kémi Séba acquitté après avoir brûlé un billet en CFA
A l’issue de plus de deux heures de débats parfois houleux, le président du tribunal des flagrants délits a prononcé la relaxe de Kémi Séta et d’un membre de son mouvement poursuivi pour complicité pour lui avoir fourni un briquet.
Le parquet avait réclamé une peine de 3 mois de prison avec sursis contre Kémi Séta et la relaxe de son coprévenu.
Le polémiste, qui réside au Sénégal et s’est présenté comme “chroniqueur politique”, était poursuivi sur la base d’une plainte de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le siège est à Dakar.
La BCEAO est l’institut d‘émission en Afrique de l’Ouest du franc CFA, monnaie de 14 pays francophones de l’ouest et du centre du continent, totalisant 155 millions d’habitants, réclamait pour sa part un franc symbolique en guise de dommages et intérêt.
Kémi Séta, en détention préventive depuis son arrestation à Dakar le 25 août, a revendiqué devant le tribunal un acte “symbolique”.
“L’objet de la manifestation était d’exposer les méfaits de la Françafrique”, a-t-il dit, se comparant à la militante américaine des droits civiques Rosa Parks.
Une centaine de ses partisans, évacués de la salle d’audience pour avoir applaudi une intervention de l’ex-leader de la Tribu Ka, groupuscule dissous en France en 2006 pour antisémitisme et incitation à la haine raciale, ont bruyamment salué l’annonce de la relaxe, scandant des slogans comme “A bas la Françafrique”, “A bas le CFA”.
“Il n’y avait pas de condamnation possible. Il n’a pas brûlé des billets, il a brûlé un billet qui lui appartenait”, a réagi son épouse, Etuma Séba.
Les avocats du militant l’ont emporté grâce à un point de droit : le code pénal sénégalais punit la destruction “des” billets de banque, mais non d’un seul.
Mais ils ont aussi porté le débat sur la légitimité du franc CFA ou sur le rôle des anciennes puissances coloniales en Afrique, en particulier la France.
Ceux de la BCEAO avaient pour leur part accusé Kémi Séta de “semer la confusion” sur la politique monétaire de l’institution et affirmé qu’il était “archi-faux” de dire que Paris disposait d’un “droit de véto” sur ses décisions.
Les représentants de la banque centrale ont aussi dit craindre que ses émules brûlent des billets en francs CFA, comme certains l’ont fait lundi à Cotonou, au Bénin, le pays dont est originaire M. Séba.
“On est quand même dans des pays pauvres. On ne peut pas s’amuser à brûler des billets. Cinq cents francs, c’est déjà un début de petit-déjeuner. Donc c‘était symbolique, comme (Nelson) Mandela brûlant son passeport. Mais ça ne veut pas dire que ça va se multiplier”, a dit l’un de ses avocats, Cheikh Koureyssi Bâ.
“Il n’a rien à faire en prison. Ceux qui devraient aller en prison, ce sont ceux qui affament et pillent un continent depuis des siècles”, a soutenu au milieu d’une petite foule Hery Djehuty, coordinateur stratégique de l’ONG Urgences Panafricanistes fondée par Kemi Seba.
“C’est la jeunesse qui pose le débat sur la table et qui veut juste que l’Afrique puisse décider elle-même de son sort, de son avenir, de sa politique économique, et que ce ne soit plus le fait d’une puissance tierce, d’une puissance étrangère comme la France”, a ajouté M. Djehuty.
“Les questions impérieuses de la souveraineté et de l’autonomie des Etats africains postcoloniaux, des rapports de domination qui persistent dans les relations entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains, méritent d’être posées, et Kémi Séba les pose”, estimait lundi dans Le Monde Afrique l‘économiste et écrivain sénégalais Felwine Sarr, tout en qualifiant de “simpliste” le discours de Kémi Séta.
AFP