Libye : Khalifa Haftar, le maréchal de 73 ans qui tient le nerf de la guerre

La figure de cet homme fort de l’est du pays est revenue au-devant de la scène après que ses hommes se sont emparés des quatre principaux terminaux pétroliers du pays.

Il n’aura suffi que d’une semaine pour que Khalifa Haftar débloque les exportations de pétrole à l’arrêt dans l’est de la Libye depuis novembre 2014. Mardi dernier, le Seadelta, un pétrolier a quitté le port de Ras Lanouf, l’un des quatre terminaux qu’il contrôle, pour l’Italie. Certes la résolution 2259 des Nations Unies est claire sur le trafic de pétrole libyen : il doit être géré par les autorités de Tripoli qui combattent Haftar. Mais qu’importe !

De toute façon, l’homme n’en fait qu‘à sa tête. Il a d’ailleurs été élevé au rang de maréchal par le parlement de l’est qui le soutient et qu’il protège en retour.

Incontrôlable, controversé, polémique, parfois incontournable…, les épithètes pour qualifier Khalifa Haftar abondent dans la presse internationale qui rend compte de la situation en Libye depuis plusieurs mois. Mais aucun de ces termes n’est assez précis pour rendre compte de l‘épaisseur du personnage. Le militaire de 73 ans semble être un exemple de stabilité et de constance depuis son retour dans son pays il y a cinq ans en pleine « révolution » contre Muammar Kadhafi. Il a tout mis en œuvre pour entraver l‘évolution du processus de paix selon les termes des Nations unies, et surtout jouer une carte personnelle pour organiser le pouvoir autour de sa personne.

Rhétorique anti-islamiste

L‘épisode de la prise des infrastructures d’exportation du pétrole n’est que le récent épisode d’une longue série de chausse-trappes sur le chemin du retour à la paix. Il faut remonter à son bref passage en mars 2011 au milieu des insurgés de Benghazi dans l’est du pays. À la chute de Kadhafi, il troque sa tunique d’officier supérieur du Conseil national de transition contre celui de chef d‘état-major de l’armée. Déjà, sa proximité avec les Américains cristallise les positions des milieux islamistes. Une réputation qui n’est pas usurpée puisque l’homme a passé plus de 25 ans en exil aux États-Unis. Il reconnaît d’ailleurs avoir reçu le soutien de Washington dans la préparation de ses campagnes militaires contre Kadhafi.

Désavoué par l‘élite politique islamiste de la région de l’est dont il est censé être le héraut, l’ancien chef du corps expéditionnaire de Kadhafi – jusqu’au milieu des années 1980 – s’en retourne aux États-Unis. Il revient dans la région en 2014 à la tête de l’opération Karama qui regroupe entre 10 000 et 15 000 hommes, selon les sources. Officiellement, il est de retour pour combattre les dérives des islamistes arrivés au pouvoir dès 2012. Plus tard, ce sera l‘État islamique qui justifiera son engagement.

Une rhétorique anti-islamiste qui rappelle celle d’un de ses alliés dans la région, l‘Égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Sur le terrain pourtant, l‘écheveau des intérêts se noue pourtant sur des problématiques internes à la Libye que le péril de l’EI ne participe qu‘à complexifier.

Soutiens étendus

Mais l‘Égypte n’est pas la seule puissance à avoir la confiance du maréchal aux cheveux chenus. Le 16 septembre dernier, il a été reçu par Idriss Deby à N’Djamena. Et le spectre de ses soutiens est encore plus étendu et contribue à alimenter son image de « général controversé » tant diffusée. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France sont accusés de soutenir activement l’effort de guerre d’Haftar en Libye. La mort de trois sous-officiers français en mission d’infiltration en juillet dernier dans un hélicoptère appartenant aux forces de l’ancien putschiste a contribué à entretenir la suspicion autour de l’implication de Paris.

Martin Kobler, le représentant des Nations unies en Libye se trouve dans une position délicate après la prise des terminaux pétroliers par Khalifa Haftar et la reprise des exportations dans la foulée. M. Kobler avait fait de l’or noir un instrument fondamental pour la pérennité du gouvernement d’union reconnu par la communauté internationale. Une stratégie pensée il y a presque deux ans en passe d‘être remise en cause par la cargaison de 776 000 barils de pétrole qu’achemine le Seadelta en Italie.
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