Haïti, Cité Soleil, bidonville balnéraire de Port-au-Prince. Dans ce quartier précaire, marqué par la violence entre gangs dans le pays le plus pauvre d’Amérique, les habitants ont organisé un concert pour promouvoir la paix.
La jeunesse de Cité Soleil, à Port-au-Prince, rêve d'une vie meilleure
Le 26 juin dernier, après le concert qui a vu la participation de divers artistes, cinq jeunes ont été récompensés pour leur travail, en raison de leur implication dans le processus de création de la paix dans cette communauté marquée par les règlements de comptes entre gangs et autres formes de violences.
Frantz Francois est un des lauréats, récompensé pour son attitude de non-violence : « cette plaque symbolise l’amour, la fraternité et le changement. Elle symbolise aussi les enfants qui travaillent ensemble. Ce prix représente tous les organismes communautaires », a dit le jeune homme en brandissant son prix.
Stephen Italien est à la tête de « La Différence », l’une des organisations qui promeuvent la paix à Cité Soleil. Il se rappelle des violences qui minent sa communauté : « de nombreux membres de ma famille des amis sont morts pendant les violences à Cité Soleil. Nous avons recensé de nombreux décès et je ne peux pas tous les nommer. Le dernier que nous avons enregistré était un de mes amis, qui est mort au pont Saint George, pendant des échanges de tirs entre gangs. Ce jour-là, il était sur une moto. Ça me fait de la peine. »
Les organisateurs de cette initiative gardent l’espoir de voir leur idée servir de catalyseur, pour encourager les jeunes à quitter les gangs et la violence et embrasser une vie rangée.
Le coup d’Etat de 2004, une des plus sombres pages du pays
Cité Soleil compte au minimum 300.000 habitants. C’est un endroit marginalisé et densément peuplé, considéré comme le quartier le plus dangereux de la capitale haïtienne, compte tenu des décennies d’affrontements entre gangs rivaux, associés à la violence politique. En effet, en 2004, les politiciens haïtiens s‘étaient servi des jeunes des quartiers pauvres comme Cité Soleil, comme miliciens à leur solde. Ce qui avait causé des violences extrêmes.
Cet épisode ramène au coup d’Etat de 2004 à Haïti, qui fut une rébellion organisée contre le président Jean-Bertrand Aristide et qui s’est terminée par un putsch le 29 février 2004, qui a provoqué le départ précipité d’Aristide par les États-Unis et l’installation d’un nouveau pouvoir par l’intermédiaire des Américains. Cette déstabilisation dura plusieurs semaines. Certaines régions d’Haïti étaient aux mains des rebelles, notamment dans le département de l’Artibonite et la ville de Gonaïves.
Bon nombre de maisons portent encore les stigmates des batailles rangées entre gangs, en témoignent les impacts de balle sur leurs murs. Les casques bleus de l’ONU, présents en Haïti depuis 2004, assurent un temps soit peu l’ordre à Cité Soleil, sur demande des autorités nationales.
L’echec imputé à tous les gouvernements haïtiens
« Donner de l’argent aux bandits pour la paix dans la communauté est une stratégie utilisée avant, mais avec peu de résultats. Nous, on souffre encore beaucoup. Au fil du temps, nous avons réalisé que cette paix que nous recherchons ne peut pas venir de l’extérieur, mais de nous, des quartiers en conflit. Cette paix sera réelle grâce à nos efforts », a ajouté Stephen Italien, qui a fondé son organisation en 2008.
Néanmoins, Italien a aussi mentionné le manque de soutien de « La Différence », martelant au passage que Cité Soleil ne peut plus être négligé par le gouvernement haïtien.
Stephen Italien : « Nous avons besoin d’une école professionnelle. Nous avons besoin d’un centre de santé. Il n’y en a pas ici. Un domaine où il y a toujours la guerre a besoin d’un dispensaire. Nous avons besoin de travail. Lorsque les jeunes ne peuvent pas travailler, ne peuvent pas manger, ils se mettent en colère. »
Jean Simon Patrice fait partie de « Salaka » , un centre communautaire créé en 2004 et qui vient en aide aux jeunes de Cité Soleil. Un endroit qui accueille plus de 250 jeunes et enfants, encadrés dans des disciplines comme l’athlétisme, l’agronomie et de l‘éducation. Le tout, dans un environnement de non-violence, pour éloigner les jeunes des affres de la rue.
Jean Simon Patrice : « C’est vrai beaucoup de gouvernements au pouvoir allaient et venaient, mais notre vie ici à Cité Soleil reste la même. Nous espérons qu’un gouvernement légitime pensera à nous, qu’ils feront enfin attention à cette communauté. Parce qu’ils ne sont pas conscients que nous existons. »