Pour de nombreux observateurs, c’est il y a 40 ans jour pour jour qu’a commencé la fin du système de ségrégation raciale en Afrique du Sud.
[Épisode 4] Soweto, le tournant décisif dans la lutte contre l'Apartheid
Journée de l’enfant africain. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Afrique du Sud et mieux, l’ensemble des pays membres de l’Organisation de l’Unité africaine et plus tard, de l’Union africaine ont choisi la date du 16 juin comme celle de l’espoir pour l’ensemble du continent. Le massacre des jeunes écoliers, collégiens et lycéens du Southwestern Township (Soweto) a donné un visage humain au système raciste officiellement mis en place en Afrique après les élections de 1948 par la minorité blanche. Le régime de Prétoria a du même coup eu de plus en plus de mal à convaincre ses partenaires occidentaux stratégiques que sont alors la France et les États-Unis. Il faut tout de même noter au passage la rencontre une semaine après le début des tueries entre le Premier ministre sud-africain John Vorster et le secrétaire d‘État américain Henry Kissinger. Il est vrai que les deux hommes entretenaient des échanges constants pendant cette année 1976 au sujet de la nouvelle géopolitique en Afrique australe qu’impliquait la nouvelle indépendance de l’Angola et du Mozambique.
Dès le 19 juin, c’est-à-dire trois jours après le début des émeutes, le Conseil de sécurité a « vigoureusement condamné le régime raciste d’Afrique du Sud pour avoir recouru à des actes de violences massive et à des massacres non provoqués à l’encontre des Africains, y compris des écoliers et étudiants qui marquaient leur opposition à la discrimination raciale ». Les Nations unies qui s‘étaient mobilisées dès les années 1950 contre le système de ségrétation raciale vont dès lors accentuer la pression sur le pouvoir afrikaner qui avait par ailleurs déjà été exclu de l’Assemblée générale en 1974. Les résolutions vont s’enchaîner à un rythme soutenu alors qu’est mis en place un Centre des Nations unies contre l’apartheid et que l’année 1978-1979 est déclarée année de lutte contre l’apartheid.
Paralèllement, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) qui a adopté le Manifeste de Lusaka en 1963 continue à mobiliser contre le système sud-africain. Une mobilisation lente parfois à l’arrêt notamment en ce mois de juin 1976 alors que l’Organisation est présidée par l’Ougandais Idi Amin Dada. Mais l’OUA se ressaisit lors du sommet qui se tient du 2 au 5 juillet à Maurice en condamnant sévèrement Prétoria.
Mandela
C’est par un concours de circonstances que Nelson Mandela devient l’héritier naturel des émeutes de Soweto. L’homme est derrière les barreaux depuis 13 ans déjà au moment des faits. Il apprend par bribes, les échos qui montent du township. Même loin du terrain, celui qui sera célébré 14 ans plus tard comme le père de la Nation arc-en-ciel comprend ce qui se passe. Il psalmaudie ces mots à Winnie, son épouse : « l’esprit de protestation de masse » est réscuscité, écrit Stephen Smith. Des mots prophétiques certes, mais à l‘époque, Mandela ne semble plus être le porte-étendard des aspirations d’une jeunesse qu’il aura lui-même du mal à reconnaître lorsque certains leaders seront embastillés avec lui dans les murs de la prison de Robert Island.
En son absence cependant, la vie continue. Et s’il a été dit que la manifestation de Soweto n‘était pas organisée, au moins a-t-elle été canalisée par le Congrès panafricain (PAC) de Robert Sobukwe et la Conscience noire que chapeaute Steve Biko. Et au milieu des années 70, la jeune garde roule désormais pour ces deux mouvements qui ont une doctrine opposée au multiculturalisme défendu par l’ANC. Mais la mort des principaux dirigeants du Congrès et l‘élimination de Steve Biko finiront pas imposer Mandela comme la seule figure d’unité capable de réconcilier les Sud-Africains après les événements tragiques de Soweto. Dès 1980, des comités Mandela se créent sur l’ensemble du territoire sud-africain pour demander la libération de l’avocat qui sera finalement élargi en février 1990.
ÉPISODES PRÉCÉDENTS
1- Le 16 juin : le jour où tout a basculé à Soweto
2- Les graines de la discorde à Soweto : l’afrikaner et autres vexations raciales
3- Cinq personnalités qui ont animé le soulèvement de Soweto