Depuis que Boko Haram existe, le métier de fossoyeur n’est pas de tout repos à Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno, dans le nord-est du Nigeria.
Nigeria : le difficile travail des fossoyeurs de Maiduguri
Babagana Modu est fossoyeur de son Etat. Il exerce au cimetière de Gwange, le plus grand de Maiduguri, ville à majorité musulmane. La trentaine, cet homme a vu des horreurs, surtout au plus fort de l’insurrection de la secte islamiste Boko Haram.
Aux dires de Modu, des camions déversaient régulièrement des corps dans un coin de ce cimetière musulman. Des personnes y ont même été conduites là-bas vivantes, avant d‘être exécutées. En 2009, Boko Haram lançait une insurrection sans précédent à Maiduguri. La riposte des forces de l’ordre fut fatale : quelque 800 islamistes présumés ont été exécutés en une poignée de jours durant les affrontements qui ont opposé les terroristes aux forces de l’ordre.
Babagana Modu explique l’ampleur de son travail :
“Au plus fort de l’insurrection, 200, 300, 400 corps étaient jetés là. Parfois, les bennes du département sanitaire déposaient trois chargements entiers de corps. Et s’il y en avait encore, ils revenaient le jour suivant. On ne pouvait même plus emprunter la route devant le cimetière, tellement ça empestait.”
Boko Haram ayant perdu la ville, les règlements de comptes n’ont pas tardé à se faire sentir. Même les tombes des bourreaux ont subi la furie des rescapés de leurs attaques massives. “Ils se sont mis à détruire celle-là. Nous avons essayé de les en empêcher. Mais ils étaient armés et nous non. Nous n’avions que nos pelles. “, explique le jeune fossoyeur, en montrant une tombe, celle d’un imam soupçonné d‘être de mèche avec la secte islamiste. Ironie du sort, les victimes et leurs bourreaux sont enterrés dans ce même cimetière de Gwange.
Selon la tradition musulmane, les cadavres doivent être nettoyés et enroulés dans un linceul avant d‘être déposés sur leur côté droit, puis recouverts avec du bois et de la terre. Les islamistes présumés n’ont pas eu droit à ce traitement. Leurs corps ont été déversés dans une fosse et recouverts de terre. Seules de petites crêtes dans le sol indiquent qu’ils ont été enterrés là.
A l’opposé de Modu, Bulama Ali (son patron) évoque des chiffes moins alarmants : “Avant, on recevait 20, 30 corps par jour. Là, on est descendu à cinq ou 10, et la plupart sont des morts naturelles (...) Cela montre qu’il y a une relative accalmie à Maiduguri”. Cet homme de 60 ans reconnait tout de même qu‘à un moment donné, le cimetière était presque plein.
Depuis quelques mois, les attaques sont devenues plus rares dans la ville. La contre-offensive menée par l’armée a repoussé les islamistes loin des grandes agglomérations.
La précarité au quotidien
22 jeunes gens, portant tous des vêtements délavés, sont sous les ordres de Bulama Ali et sont tous des fossoyeurs bénévoles. Certains ont appris ce métier avec leur père, dès le plus jeune âge, et ne savent pas faire autre chose. Leur métier consiste à creuser des tombes dans la terre aride, à abattre des arbres pour recouvrir les corps de bois et à fabriquer les moules de terre cuite qui servent de pierres tombales.
Ces jeunes gens sont à la recherche de la reconnaissance des populations et des autorités, pour leur travail bénévole dans le plus grand cimetière de la ville. “On travaille du matin jusqu‘à 18h, à la fermeture des portes. Personne ne pense à passer, rien que pour nous donner quelque chose à manger. Ça nous blesse vraiment”, s’insurge Ibrahim Abubakar, âgé de 25 ans.
Les violences de la secte islamiste Boko Haram ont fait au moins 17.000 morts, dans le nord du Nigeria, en général musulman, depuis 2009.