Côte d’Ivoire : pour l’Aïd el-Fitr, les coiffeuses font des tresses

Des femmes dans un marché d'Abidjan, en Côte d'Ivoire   -  
Copyright © africanews
Schalk van Zuydam/AP

A la veille de l'Aïd el-Fitr, fête musulmane de fin du ramadan, les doigts des coiffeuses du marché de Treichville, à Abidjan, s'activent, entremêlant avec rapidité et minutie cheveux crépus et mèches synthétiques, pour former d'étonnantes coiffures tressées.

Entre stands de poisson frit, de semoule de manioc, ou de chaussures colorées, les femmes et jeunes filles ivoiriennes viennent ici prêter leur tête à une dizaine de coiffeuses à la recherche de créations capillaires.

"On a fait le jeûne", alors pour fêter la fin du ramadan, "on doit se rendre belle", dit Aïcha Coulibaly, la tête penchée, une mèche de cheveu tirée par le peigne de la coiffeuse.

La jeune femme a choisi les tresses "Marcoussis". "Une coiffure simple", selon Astou Thiam qui la réalise, tendance sur les réseaux sociaux que consulte régulièrement Aïcha, et au nom qui résonne avec l'histoire politique de la Côte d'Ivoire, comme beaucoup d'autres types de tresses. "Quand il y a un événement, on donne!", lance Astou Thiam à propos des noms des coiffures.

En 2003, alors qu'une rébellion armée avait divisé le pays l'année précédente avec une prise de contrôle de la moitié nord après une tentative de coup d'Etat ratée contre le président Laurent Gbagbo, les accords de paix de Linas-Marcoussis en France prévoyaient l'entrée de la rébellion dans le gouvernement, censée mettre un terme à la crise.

L'actualité, aussi dramatique soit-elle, nourrit constamment l'imagination des coiffeuses ivoiriennes.

Fin 2010, la victoire à la présidentielle de l'actuel chef de l'Etat Alassane Ouattara face au sortant Gbagbo est contestée. Les partisans des deux camps s'affrontent: cinq mois de crise, quelque 3.000 morts et une coiffure appelée "deux présidents". Séparée par une raie au milieu, la chevelure est tressée dans deux sens qui s'opposent.

Coiffure "le pont d'ADO"

Depuis la mise en service en 2014 du pont Henri Konan Bédié qui enjambe la lagune Ebrié à Abidjan, on peut également se faire coiffer "le pont d'ADO", nom tiré des initiales du président Alassane Dramane Ouattara qui l'a fait construire. La coiffure "ressemble un peu" à l'édifice, tient à préciser Astou Thiam.

Les créations des tresseuses sont aussi inspirées de "plusieurs modèles qu'on voit sur TikTok", de celles que portent "les stars" comme la chanteuse ivoirienne Vitale, ou la Nigériane Yemi Alade, et que réclament les clientes, explique une autre coiffeuse, Djénaba Traoré.

La coiffure "rouaga", ou "carré-carré", est celle "qui marche le plus", affirme-t-elle. "De longues tresses" fines, qui quadrillent le cuir chevelu et sont notamment portées par la populaire chanteuse ivoirienne Josey.

Le marché est aussi un lieu d'apprentissage pour les futures novatrices du tressage.

"Tout le monde n'a pas les moyens" d'étudier dans une école de coiffure, indique Djénaba Traoré. Au marché, "on te donne 250 francs CFA" (environ 40 centimes d'euro) par tête que les jeunes filles aident à tresser. "Tu prends ça pour payer ton transport, pour aller à la maison", ajoute Djénaba, mais surtout, ici, "tu apprends vite".

Et en famille. "C'est ma grand-mère qui m'a appris! Elle est là-bas", lance une autre tresseuse en pointant un stand proche. "Moi, c'est ma grande soeur. C'est souvent comme ça qu'on apprend", ajoute Astou Thiam.

À découvrir également

Voir sur Africanews
>