Éthiopie : Abiy Ahmed toujours fidèle à ses réformes

Qui arrêtera Abiy Ahmed dans ses réformes ? En tout cas, seul lui-même le Premier ministre éthiopien marquera une pause. Entre temps, la machine à réformer continue de tourner à plein régime.

Le responsable de l’administration pénitentiaire éthiopienne a été limogé ce jeudi 5 juillet avec quatre de ses administrés. Ce limogeage, est intervenu quelques heures avant la publication d’un rapport de Human Rights Watch (HRW) dénonçant la torture dans une prison célèbre du pays. L’ONG de défense des droits de l’homme a ainsi exhorté le gouvernement à demander des comptes aux responsables.

Annonçant les licenciements, le procureur général Berhanu Tsegaye a déclaré que les gardiens de prison doivent respecter les droits individuels énoncés dans la constitution.

Ces remarques emboîtent le pas à celles formulées récemment par le Premier ministre sur les forces de sécurité. En effet, Abiy Ahmed titulaire d’un doctorat en études de paix et de sécurité, reconnaît lui aussi la brutalité policière. Il va même plus loin en dénonçant le « terrorisme d‘État ».

« La constitution stipule-t-elle que les prisonniers doivent être fouettés et battus? Ce n’est pas le cas. C’est inconstitutionnel », s‘était indigné le mois dernier le Premier ministre de 41 ans.

Abiy comme Gorbatchev ?

Outre la révocation du patron de l’administration pénitentiaire, trois partis politiques ont été retirés de la liste des « organisations terroristes ». Il s’agit du Front de libération Oromo et du Front de libération nationale d’Ogaden, deux groupes sécessionnistes, et le Ginbot 7, un mouvement d’opposition créé en exil.

Au pouvoir depuis trois mois, seulement, Abiy a provoqué une sorte de révolution managériale dans son pays. Tant les réformes mises en œuvre sont jusqu’ici saluées par presque tous les 100 millions de personnes vivant dans ce pays de la Corne de l’Afrique.

La plus importante de ces réformes a été le lancement, le mois dernier, de pourparlers de paix avec son voisin et ennemi juré, l‘Érythrée, contre laquelle l‘Éthiopie a mené une guerre frontalière entre 1998 et 2000. Guerre qui a fait près de 80 000 morts dans les deux camps.

Il a également mis fin à L‘État d’urgence et a annoncé son intention d’ouvrir partiellement l‘économie, notamment en attirant des capitaux étrangers dans la compagnie nationale des télécommunications et la compagnie aérienne nationale, deux perspectives d’investissement alléchantes.

Et depuis, Abiy Ahmed jouit d’une importante estime d’Asmara à Washington. Au point que des observateurs n’hésitent pas à comparer sa gouvernance aux mesures de Mikhaïl Gorbatchev, artisan de la perestroïka qui mit fin au communisme et fit éclater la puissante URSS dans les années 1980.

Mais, pour Ahmed, la démocratie n’est pas synonyme du désordre. Il a alors attiré l’attention des extrémistes du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), le parti ethnique tigréen qui a dominé la coalition au pouvoir au sein de l’EPRDF et par association le pays et l‘économie – pendant près de trois décennies.

Deux personnes ont été tuées dans une explosion de grenade lors d’un rassemblement pro-Abiy massif à Addis-Abeba le mois dernier, avec le doigt de la faute à ceux qui s’opposent à sa campagne de réforme.

Il n’y a eu aucune revendication, mais l’attaque a mis en lumière l’ampleur du défi d’Abiy en matière sécuritaire. Ce qui a poussé des observateurs, y compris le président érythréen Isaias Afwerki, à émettre des réserves quant à la matérialsation de ces réformes. « L‘Éthiopie est maintenant à un tournant ou une transition. Quelle est la destination? Comment cela sera-t-il réalisé? », s‘était interrogé Isaias le mois dernier dans sa répmonse à la main tendue d’Abiy.

Et le problème du Tigré ?

Dans les zones du Tigré près de la frontière érythréenne, les habitants ont critiqué la politique d’Abiy à Asmara, tandis que le TPLF a averti qu’elle ne «participerait à aucun processus qui nuirait aux habitants du Tigré».

Le TPLF a par la suite adopté un ton plus conciliant, disant qu’il accueillait favorablement la réponse positive de l‘Érythrée à la main tendue d’Abiy. Ce qui ne semble pas plaire à certains anciens caciques du pouvoir.

Le major-général Teklebrhan Woldearegay, qui a démissionné de son poste de directeur de l’agence de cybersécurité de l’INSA en avril, a déclaré cette semaine à une station de radio tigréenne qu’Abiy était “antidémocratique et agissait comme un roi”.

Gebreyesus Gebregziabher, le chef de la prison, est membre du TPLF tandis que son remplaçant est issu du parti d’Abiy, l’Organisation démocratique populaire du peuple Oromo.

Abiy a été élu à la tête de l’EPRDF à quatre partis en mars après trois années de violentes protestations par l’ethnie Oromo et d’autres groupes qui se sentaient exploités et abusés dans une campagne de développement économique.

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