Guinée
Le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, l'officier supérieur à l'origine du coup d'État militaire en Guinée a promis lundi de mettre en place un gouvernement d'union pour superviser une période de transition et a juré qu'il n'y aurait pas de "chasse aux sorcières" contre l'ancien gouvernement.
"Une consultation sera lancée pour fixer les grands paramètres de la transition, puis un gouvernement d'union nationale sera mis en place pour piloter la transition", a déclaré le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya dans un discours, sans toutefois préciser la durée de la consultation ou de la passation de pouvoir.
Cherchant à rassurer les investisseurs miniers au lendemain de la prise de pouvoir par les militaires, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a également déclaré que le pays honorerait ses engagements commerciaux. Un comité mis en place par la junte assure "les partenaires économiques et financiers que les activités dans le pays se poursuivent normalement", a déclaré le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya dans un discours.
"Le comité assure les partenaires qu'il respectera tous ses engagements", a-t-il ajouté.
Le peuple en attente des pourparlers
L'État ouest-africain de Guinée attendait des nouvelles de son avenir, la nouvelle junte militaire ayant convoqué le cabinet sortant après le renversement du président. Les troupes d'élite dirigées par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya ont demandé aux ministres sortants et aux responsables institutionnels de se réunir à 11 heures GMT au Parlement dans la capitale Conakry.
Toutefois, ils ont prévenus que "tout refus de s'y rendre sera considéré comme une rébellion".
Appauvri et instable, cet État d'Afrique de l'Ouest a été frappé par de nouveaux troubles dimanche lorsque des forces spéciales ont arrêté le président Alpha Condé, âgé de 83 ans, ont déclaré qu'elles abrogeaient la constitution et ont imposé un couvre-feu.
Les frontières terrestres ont été fermées, le gouvernement dissous et les gouverneurs et autres hauts responsables ont été remplacés par des militaires, a déclaré la junte.La fin du régime de Condé a déclenché la liesse dans certaines parties de Conakry, notamment dans les quartiers pro-opposition.
"Nous n'allons plus confier la politique à un homme, nous allons confier la politique au peuple"
Le mécontentement grandissait depuis des mois à cause de la stagnation de l'économie frappée par la Covid et du leadership de M. Condé, qui est devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée en 2010. Cinq ans plus tard, il a été réélu, mais en 2020, il a déclenché la fureur après avoir fait adopter des changements à la constitution lui permettant de contourner la limite de deux mandats.
Doumbouya est apparu à la télévision publique dimanche, drapé dans le drapeau national, accusant le gouvernement de "corruption endémique" et de "piétinement des droits des citoyens".
"Nous n'allons plus confier la politique à un homme, nous allons confier la politique au peuple", a déclaré le putschiste.
"La Guinée est belle. Nous n'avons plus besoin de violer la Guinée, nous avons juste besoin de lui faire l'amour." Dans la même lancée, il a promis de lancer une "consultation nationale pour ouvrir une transition inclusive et apaisée."
Un groupe parapluie appelé le FNDC, qui a mené les protestations contre les changements constitutionnels de Condé, a déclaré que les membres emprisonnés seraient libérés lundi. Une vidéo envoyée à l'AFP par les putschistes dimanche montre Alpha Condé assis sur un sofa entouré de troupes. Vêtu d'une chemise et d'un jean froissés et assis sur un canapé, il a refusé de répondre à la question d'un soldat qui lui demandait s'il avait été maltraité.
La Guinée d'Alpha Condé
Bien que leur pays soit un trésor de minéraux, de la bauxite et du minerai de fer à l'or et aux diamants, les 13 millions de Guinéens comptent parmi les plus pauvres du monde.
Le pays a rarement connu la stabilité depuis qu'il a déclaré son indépendance de la France en 1958 et la répression sanglante est bien ancrée. Alpha Condé a été accusé de suivre cette même voie vers l'autoritarisme dans les dernières années de son règne. Des dizaines de personnes ont été tuées lors de manifestations contre sa candidature à un troisième mandat et des centaines d'autres ont été arrêtées.
Il a été proclamé président l'année dernière à l'issue d'élections que son principal adversaire, Cellou Dalein Diallo, et d'autres figures de l'opposition ont dénoncé comme étant un simulacre.
Les dernières turbulences ont éclaté dimanche matin, lorsque des coups de feu ont été tirés dans le centre de Conakry. Pendant plusieurs heures, la situation est restée floue, le gouvernement ayant déclaré qu'une attaque contre le palais présidentiel avait été "repoussée".
Aucune victime n'a été officiellement signalée et aucun incident majeur n'a été signalé au cours de la nuit. Dimanche, la junte a déclaré que les frontières terrestres et aériennes avaient été fermées, mais lundi, elle a indiqué que les frontières aériennes avaient été rouvertes. Conakry, habituellement une ville animée, s'est réveillée dans le calme lundi. De nombreux magasins étaient fermés, et le marché principal de la Médina était exceptionnellement calme.
Condamnation internationale
En dehors de la Guinée, les dirigeants internationaux ont condamné le dernier accès de troubles en Afrique de l'Ouest, une région où de nombreux pays sont aux prises avec la pauvreté, les inégalités et le sang des djihadistes.
"La violence et toute mesure extraconstitutionnelle ne feront qu'éroder les perspectives de paix, de stabilité et de prospérité de la Guinée", a déclaré le porte-parole du département d'État américain, Ned Price, en exhortant toutes les parties à respecter l'État de droit.
L'Union africaine et les Nations unies ont toutes deux demandé la libération de M. Condé. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), par l'intermédiaire de son président par intérim, le dirigeant ghanéen Nana Akufo-Addo, a menacé de sanctions si l'ordre constitutionnel de la Guinée n'était pas rétabli.
L'Union européenne et la France, ancienne puissance coloniale, ont toutes deux condamné ce coup d'État, le dernier en date dans une région qui a connu récemment des prises de pouvoir militaires au Mali et au Tchad.
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