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Génocide rwandais : des rescapés pour relancer l’enquête sur l'armée francaise

Génocide rwandais : des rescapés pour relancer l’enquête sur l'armée francaise
Entre avril et juillet 1994, des extrémistes de l'ethnie hutu ont perpétré un génocide contre la minorité tutsi et les Hutus modérés, massacrant au moins 800 000 personnes.   -  
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SIMON WOHLFAHRT/AFP or licensors

Rwanda

Associations et rescapés du génocide au Rwanda s'appuient sur le cinglant rapport Duclert, qui a pointé "l'échec profond" de la France lors des massacres de Bisesero en juin 1994, pour réclamer un procès en "complicité de génocide" contre des officiers généraux et l'entourage du président Mitterrand.

Les associations Survie, Ibuka, Fidh et six rescapés de Bisesero, parties civiles, demandent aux juges d'instruction du pôle Crimes contre l'humanité du tribunal de Paris de relancer leurs investigations, alors qu'un non-lieu se profile depuis trois ans pour cinq officiers généraux qui dénoncent en retour "l'inanité de ces accusations ignominieuses". Depuis 2005, les plaignants accusent la force militaire française Turquoise, déployée au Rwanda sous mandat de l'ONU pour faire cesser les massacres, d'avoir, pendant trois jours, sciemment abandonné aux génocidaires des centaines de Tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero (ouest).

La commission d'historiens conduite par Vincent Duclert sur la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994 a conclu en mars à des "responsabilités lourdes et accablantes" de la France dans la dérive ayant abouti au génocide des Tutsi. Selon l'ONU, les massacres ont fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi. Le rapport, qui a conduit à un net réchauffement diplomatique entre Paris et Kigali, fait en particulier une analyse sévère de l'épisode de Bisesero.

Charges nouvelles

Tout en pointant des "contraintes lourdes" de l'armée - "intégration défaillante du renseignement, capacités militaires limitées, souci du respect des ordres reçus du pouvoir politique" - le rapport confirme que Turquoise avait connaissance dès le 27 juin 1994 de la présence de Tutsi réfugiés dans le secteur de Bisesero et menacés par des milices extrémistes hutus. L'armée n'interviendra qu'à partir du 30 juin, constatant les massacres de centaines de personnes tuées dans l'intervalle.

Pour les parties civiles, le rapport Duclert révèle "des charges nouvelles" qui "n'ont pu être soumises" à l'examen des magistrats. Ces derniers ont terminé leurs investigations à l'été 2018 sans prononcer de mises en examen, ouvrant logiquement la voie à un non-lieu qui n'a toutefois pas encore été prononcé.

Les associations demandent aux juges de réinterroger deux des cinq officiers témoins assistés dans l'enquête : le colonel Jacques Rosier, chef des opérations spéciales présent à Bisesero, et le général Jean-Claude Lafourcade, commandant de Turquoise. Elles insistent surtout pour que les magistrats interrogent pour la première fois l'état-major de l'époque - l'amiral Jacques Lanxade et son adjoint Raymond Germanos - ainsi que l'entourage du président François Mitterrand : son chef d'état-major particulier Christian Quesnot, son conseiller Afrique Bruno Delaye et le secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine.

Drame humain

L'audition de l'ancien ministre de la Défense François Léotard est aussi réclamée. Mais les juges, confirmés par la cour d'appel, ont déjà refusé plusieurs fois de convoquer des représentants du sommet de l'Etat, estimant n'être saisis que des responsabilités des militaires sur place. Pour Me Eric Plouvier, avocat de Survie, "nous constatons un hiatus entre la commission Duclert, qui met en cause la hiérarchie politico-militaire, et les juges qui n'ont pas daigné faire d'autres investigations que sur les hommes de terrain".

Le drame humain de Bisesero "et l’échec profond qu'il constitue pour la France ne résultent pas seulement de responsabilités de terrain", écrit le rapport Duclert "mais découlent en grande partie de la volonté de maintenir un équilibre entre les parties, de la crainte qu’ont les forces françaises de se trouver confrontées au FPR (la rébellion tutsie, ndlr) et à une réaction violente de sa part". Pour Me Plouvier, les juges doivent interroger "les personnes qui ont entretenu une confusion entre la mission officielle humanitaire de Turquoise et une mission officieuse qui était de contrer le FPR et maintenir le pouvoir génocidaire".

Dans un communiqué publié mercredi, quatre des cinq officiers mis en cause, Jacques Rosier, Jean-Claude Lafourcade, Marin Gillier et Etienne Joubert, estiment que "le rapport Duclert corrobore en tous points la relation des faits que nous avons développée" devant la justice. "L’opération Turquoise a sauvé de très nombreuses vies, protégé et soigné les victimes d’une situation qui échappait à l’entendement", se défendent-ils, sans commenter les événements de Bisesero.

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