République démocratique du Congo
Koffi Olomide, le roi de la rumba congolaise prenant fermement position dans un débat politique, au détriment du pouvoir, et par-dessus tout, sur une chaîne proche de la majorité présidentielle. Il y a quelques années, encore, cela aurait été impensable. Mais les mentalités changent. Et les artistes se refont la voix de la société.
Il est peut-être loin le temps des “libanga” (dédicaces) de Koffi Olomide à des personnalités au pouvoir. En fin de semaine dernière, la star congolaise a amorcé un nouveau virage. En s‘érigeant en pourfendeur de la très contestée machine à voter, le roi de la Rumba a plutôt opté pour un “atalaku” en faveur de l’opposition et de la société civile en République démocratique du Congo qui exigent le retrait de l’instrument.
“J’ai sillonné l’Europe, le monde mais je n’ai jamais entendu parler de cet outil des élections. Je ne connais pas cette machine à voter. Pourquoi voulez-vous être pionnier en expérimentant une chose qui peut rendre la tâche difficile au pays ?”, a déclaré le chanteur sur Digital Congo, une chaîne proche du pouvoir.
Cette sortie du chanteur vient trancher avec la tendance qui règne au sein d’une musique congolaise traversée par le phénomène des “libanga”, ces dédicaces achetées par des personnalités qui paient pour être citées dans leur chanson. En effet, depuis 1960, avec la fameuse coalition musicale “indépendance cha cha”, les artistes congolais sont restés neutres ou proches du pouvoir.
Avant Koffi Olomide, c’est son homologue Werrason qui a annoncé sa candidature aux législatives qui se tiendront en même temps que la présidentielle de décembre. Bob Elvis, un autre artiste congolais, n’a pas eu besoin de mettre des gants pour demander à Joseph Kabila de rendre le tablier lors du débat sur un éventuel troisième mandat du ‘‘Raïs’‘, à travers sa chanson ‘’ dégage ‘’. Porté disparu en août alors qu’il se préparait à présenter son album ‘‘anti-médiocrité’‘, ce rappeur anti-kabila a été retrouvé quelques jours après très affaibli.
Si en République démocratique du Congo, le sursaut semble intervenir maintenant, ailleurs, en Afrique, une nouvelle génération d’artistes marchent dans les pas de précurseurs comme Fela Kuti, Myriam Makeba, Didier Awadi, Lapiro de Mbanga, ou encore Tiken Jah Fakoly.
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Avec l‘émergence d’une classe moyenne sur le continent, la musique africaine connaît sa part de bling bling qui se veut le miroir d’une génération en phase avec son environnement. Entre textes et vidéos, ces chansons davantage basées sur le rythme, font l‘éloge du pouvoir de l’argent, de femmes dénudées. Avec pour seul objectif, faire danser, donner le sourire. On est bien loin du Fela Kuti des années 80, pourtant précurseur de l’Afrobeat.
À l’extrême opposé de cette classe d’artistes se trouvent de jeunes artistes engagés qui se font l‘écho du malaise de la société. Un regard rétrospectif sur les derniers événements en Ouganda montre l’influence que peut encore avoir une musique engagée face au pouvoir en place. Surnommé “le roi du ghetto”, le chanteur devenu député, Bobi Wine, a gagné en popularité politique en dénonçant à coups de morceaux le régime du président Yoweri Museveni.
Tous les candidats qu’il a soutenus lors des législatives partielles ont remporté un siège à l’Assemblée nationale, parfois même devant des candidats du parti au pouvoir pour lesquels le président Museveni a lui-même battu campagne.
En Côte d’Ivoire, c’est le rappeur Bop de Narr qui fait des vagues avec sa nouvelle chanson “C’est payant”, dans laquelle il aborde de front, avec une bonne dose d’humour et d’esprit subversif, les tares de la société ivoirienne. Jugée trop provocatrice, la chanson du rappeur de 24 ans a été censurée par les ondes ivoiriennes.
>>> LIRE AUSSI : Musique : This is Nigeria ou autopsie d’un Nigeria en mal de valeurs Même sort réservé au succès de l’artiste nigérian Falz, “This is Nigeria”. Inspiré par le hit audacieux de l’Américain Childish Gambino “This is America”, le rappeur Falz a porté son regard vers son propre pays, le Nigeria. Dans une parodie acclamée sur les réseaux sociaux, le jeune homme – fils d’un activiste contre la corruption – dénonce les maux du Nigeria : corruption, facilité, conflits intercommunautaires, Boko Haram, laxisme du gouvernement. Alors que le Nigeria se prépare à la présidentielle de février 2019, la chanson a été réduite au silence par le gouvernement.
Ailleurs, au Kenya, c’est le groupe Sauti Sol qui a décidé de mettre sa popularité au service du pays. Avec leur titre “Tujiangalie” (qui signifie littéralement + auto-réflexion + en swahili), le groupe a vertement critiqué la corruption et le populisme qui risque de mettre à mal les progrès accomplis dans le pays.
Au Cameroun qui vit actuellement dans la mouvance de l‘élection présidentielle, le rappeur Valsero n’a pas attendu ces joutes pour porter des critiques mordantes contre le régime du président Paul Biya, vieux de 35 ans. Depuis le début des années 2000, ce jeune animateur radio s’est fait le chantre d’une jeunesse frustrée par le chômage, la gérontoratie et le favoritisme. Dernière estocade portée par le rappeur au régime camerounais, son ralliement au candidat Maurice Kamto, lors de cette présidentielle 2018.
Les exemples d’une catégorie émergente d’artistes engagés sont légions, autant que les sociétés civiles actives. Et pour beaucoup, cela est le reflet d’un engouement de plus en plus certains de la jeunesse africaine pour la politique.
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