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Soudan du Sud : l'enfer des camps de déplacés, le suicide comme alternative

Soudan du Sud : l'enfer des camps de déplacés, le suicide comme alternative

Sud-Soudan

Le Soudan du Sud vit les horreurs de la guerre depuis maintenant quatre longues années. Ce pays, qui a obtenu son indépendance en 2011 après une longue guerre menée contre le Soudan, semble désormais abonné à l’actualité de la guerre et à son corollaire de meurtres, viols, et autres crimes contre l’humanité. Regard sur la vie plus qu’improbable des déplacés Sud-soudanais dans un camp, où le suicide est pour certains la seule voie capable de les libérer de la folie des Hommes.

Ayak est l’un de ces déplacés. Elle vit dans le camp de Protection des civils (PoC), situé non loin de Malakal (nord), qui compte jusqu‘à 24.000 personnes. Ce camp, qui était jadis un centre économique prospère, a sombré dans la désolation pour cause évidente de guerre. Cette femme, qui a perdu ses quatre frères, a vu son fils âgé de seulement 19 ans se faire tuer. Pour une mère, être témoin de la mort de son enfant est forcément un drame traumatisant.

Agée de 44 ans, Ayak, qui a aussi perdu son mari, vit sous un amas de sachets plastiques qui lui sert de maison. Pendant la saison des pluies, la situation des déplacés, déjà non-enviable, empire et pour cause ; le sol, poussiéreux en saison sèche, devient boueux et les odeurs insupportables des latrines, remplies, se répandent un peu partout.

Ayak, en larmes, a pensé au suicide comme échappatoire : “quand j’ai pensé à la vie de mes proches et à leur mort, j’ai décidé de prendre ma propre vie.” Mais elle n’y est pas parvenue. Ayak n’est pas la seule à avoir pensé au suicide pour soulager sa peine. Dans le camp de déplacés où elle vit, ils sont nombreux à y avoir recours, ou à l’avoir essayé.

Le suicide comme unique porte de sortie

D’après des chiffres communiqués par l’OIM (Organisation internationale pour les migrations), 31 personnes (15 femmes et 16 hommes) ont tenté de se suicider l’année dernière dans ce seul camp. Parmi elles, 6 sont parvenues à leurs fins. L’année d’avant, soit en 2016, quatre personnes se sont suicidées.

James est un homme de 32 ans. A l’instar d’Ayak, il a lui aussi essayé d’en finir. Après l’attaque de sa maison en 2014, l’homme s’est retrouvé dans le camp de Malakal avec sa famille. Il avoue avoir “pensé au suicide pendant deux ans. La situation a empiré. Je n’avais presque plus de nourriture. J’ai décidé que ça suffisait”.

Mais avant de commettre l’irréparable, James s’est vu conseiller par un de ses amis. “Mais un ami m’a trouvé avant que je puisse faire quoi que ce soit. Nous étions assis sur le sol et j’ai commencé à pleurer.”, dit-il. Désormais, le jeune homme, qui a été conseillé et soutenu psychologiquement pendant un an, vient en aide aux personnes qui ne voient plus que le suicide comme solution unique à leurs tourmentes. Pour ce faire, il est même devenu volontaire auprès de l’OIM.

“J’utilise mon expérience pour leur parler” et tenter de les dissuader de passer à l’acte, affirme James. Il se dit de même étonné d’apprendre que le suicide est un fléau qui touche tous les pays du monde, cette pratique n‘étant pas le seul fait du Soudan du Sud.

Quand l’espoir semble utopique pour beaucoup

Les espoirs s’estompent, alors que le conflit sud-soudanais perdure. Les cessez-le-feu sont constamment violés par les deux camps ennemis, ceux du président Salva Kiir et de son ancien vice-président devenu chef rebelle, Riek Machar. Dernier en date, celui de décembre 2017. Le conflit, à caractère ethnique, a déjà fait des dizaines de milliers de morts et les déplacés atteignent les quatre millions, depuis le début des hostilités en décembre 2013.

Raphael Capony, à la tête des opérations du Conseil danois pour les Réfugiés au Soudan du Sud : “des gens sont arrivés au PoC alors qu’ils étaient des enfants. En vivant ici, ils deviennent adultes, et regarder vers l’avenir les désespère.”

Dans le camp de Protection des civils de Malakal, la vie privée est un luxe auquel personne ne peut prétendre, comme dans la plupart des autres camps de déplacé d’ailleurs. Aussi, on y dort sur des cartons, voire, à même le sol, dans des endroits insalubres et surpeuplés.

Les déplacés sont aussi animés par la hantise de se faire agresser par des hommes armés, s’ils sortent de la zone protégée par les soldats de l’ONU. Les femmes, qui partent chercher par exemple du bois de chauffe, se font souvent violer, voire, tuer par des individus qui guettent leur passage sur les pistes.

Comme partout ailleurs où il y a guerre et violences, les symptômes de stress post-traumatique sont fréquents au Soudan du Sud. Selon les résultats d’une étude menée par le Centre national pour l’information biotechnologique (organisation américaine), 40% des personnes examinées présentaient ces troubles.

Raimund Alber, spécialiste de la santé mentale chez Médecins sans frontières : “il faut une accumulation de beaucoup de problèmes avant qu’une personne tente de se suicider. Les conditions de vie (dans les camps), le manque de variété de la nourriture et la difficulté du confinement peuvent y contribuer. C’est un fardeau important de n’avoir aucun espoir de changement.”

Y croire, malgré les nombreux obstacles

Pour Muthoni Wanyeki, d’Amnesty International, si les morts et la destruction sont visibles partout au Soudan du Sud, “les cicatrices psychologiques, elles, sont moins visibles et négligées”.

Akay, ainsi qu’une dizaine d’autres personnes ayant survécu aux horreurs de la guerre, tentent au quotidien de combattre les démons de leur vie brisée. Aujourd’hui, Ayak a intégré un groupe de veuves. Elle a aussi accès au soutien psychologique de l’OIM et ses partenaires et déclare avoir retrouvé une raison de vivre, malgré des conditions pénibles. “Je voudrais dire aux autres qu’il faut être patient. La vie est dure ici, mais il ne faut surtout pas se dire qu’on est seul avec ses problèmes’‘, dit-elle, entourée de femmes veuves comme elle.

L’initiative de l’OIM et ses partenaires vise à freiner la vague de suicides et de tentatives de suicide, dans un Soudan du Sud où les spécialistes de la santé mentale se comptent sur les doigts d’une seule main.

“C’est surtout depuis 2017 que nous avons vu les tentatives de suicide augmenter. On a alors lancé une campagne de prévention”, témoigne Dmytro Nersisian, psychologue de l’OIM travaillant à Malakal. Il ajoute aussi que les personnes qui tentent de mettre fin à leurs jours sont de tous âges.

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