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Éthiopie : état d'urgence pourrait rimer avec incertitude

Ethiopie

Que vise le régime éthiopien au pouvoir depuis 1991 en décrétant hier vendredi un état d’urgence après la démission du Premier ministre Hailemariam Desalegn ? Entre interrogations et inquiétudes, Addis-Abeba vient d’entamer une course vers l’inconnu.

“Au terme d’une réunion du Conseil des ministres ce jour, l‘état d’urgence a été décrété à compter de maintenant”, a déclaré le présentateur du journal de la télévision publique EBC, lisant un communiqué officiel du gouvernement.

“Afin d‘être en mesure de protéger le système constitutionnel, l’instauration de l‘état d’urgence est devenue nécessaire”, toujours selon le communiqué gouvernemental.

On ignorait vendredi soir pour combien de temps l‘état d’urgence était instauré et quelles étaient ses modalités précises. Mais il devrait permettre au gouvernement de placer l’ensemble des forces de sécurité du pays, qu’elles soient fédérales ou dépendantes des Etats régionaux, sous un commandement unique.

Cette annonce intervient au lendemain de la démission surprise du Premier ministre Hailemariam, sous pression au sein de la coalition au pouvoir et emporté par une crise politique marquée par des manifestations antigouvernementales sans précédent depuis un quart de siècle dans le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique.

Reprise en main ?

Le mouvement de protestation avait débuté fin 2015 en région oromo (sud et ouest), la plus importante ethnie du pays, puis s‘était étendu courant 2016 à d’autres régions, dont celle des Amhara (nord).

Sa répression a fait au moins 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l’Homme, liée au gouvernement.

Un calme relatif n‘était revenu qu’avec l’instauration d’un état d’urgence entre octobre 2016 et août 2017 et au prix de milliers d’arrestations.

Ces manifestations étaient avant tout l’expression d’une frustration des Oromo et des Amhara, qui représentent environ 60% de la population, face à ce qu’ils perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), la coalition au pouvoir depuis 1991.

Les manifestants dénonçaient également une limitation des libertés individuelles et un déséquilibre dans le partage des richesses.

Ces dernières semaines, les autorités éthiopiennes ont toutefois libéré des centaines de prisonniers (dont des opposants et des journalistes) et abandonné des poursuites, à la suite de la promesse du Premier ministre, le 3 janvier, de libérer un certain nombre d’hommes politiques pour “améliorer le consensus national”.

Le président et le vice-président du Congrès fédéraliste oromo (OFC), Merera Gudina et Bekele Gerba, ont de la sorte été libérés.

Qui va succéder à Hailemariam?

Outre cette crise politique, le gouvernement fédéral a été confronté à des affrontements entre membres des ethnies oromo et somali qui ont fait un million de déplacés en 2017. Vendredi, le gouvernement a également mis en avant le risque de nouveaux troubles de cette nature pour justifier l’instauration de l‘état d’urgence.

Particulièrement opaque, le régime n’a en revanche rien laissé filtrer de l’identité du successeur de M. Hailemariam.

Ce dernier a indiqué jeudi que son départ anticipé devait permettre d’approfondir les réformes, mais l’instauration de l‘état d’urgence laisse craindre aux plus pessimistes une reprise en main du régime par la vieille garde tigréenne issue de la rébellion ayant renversé le dictateur Mengistu Hailé Mariam en 1991.

Vendredi, une des principales figures de l’opposition éthiopienne Merera Gudina, rappelait les enjeux de cette période troublée pour le régime : “Ce que le peuple demande, c’est un changement fondamental”.

Un changement qui certainement ne viendra pas si tôt. Et sur le chemin d’avenir éthiopien semble se lever un gros nuage d’incertitude.

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