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Soudan-presse : des journalistes domptent la censure grâce au net

Soudan-presse : des journalistes domptent la censure grâce au net

Soudan

Au Soudan, la presse écrite est souvent réduite au silence par une « machine » à censurer soigneusement mise au point par le gouvernement. Pour contourner la censure, des journalistes recourent de plus en plus à l’internet pour publier leurs textes en toute indépendance. Et ça semble marcher comme sur les roulettes !

Assis dans son bureau donnant sur le Nil bleu à Khartoum, le journaliste soudanais Adil al-Baz assure qu’il ne craint plus la censure des autorités depuis qu’il a lancé son journal en ligne. “Nous sommes libres de publier ce que nous voulons sur notre journal en ligne”, confie cet ancien rédacteur en chef d’un journal papier, dans les locaux de son nouveau média, lancé cette année.

Dans un pays où la censure n’a cessé de croître au fil des ans, lui et d’autres journalistes ont quitté “le papier” pour tenter l’aventure du “net” dans le but de continuer à faire du journalisme indépendant.

Environ une dizaine de journaux en ligne —tous en langue arabe— ont ainsi vu le jour cette année, au moment même où le redouté Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) continuait à saisir des exemplaires de quotidiens après la publication d’articles hostiles au régime du président Omar el-Béchir.

Au Soudan, les autorités s’appuient sur un arsenal législatif pour limiter la liberté de la presse, selon des journalistes qui déplorent une censure grandissante depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011. “Un journal papier fait face à une nouvelle ligne rouge presque chaque jour”, assure Adil al-Baz, emprisonné dans le passé pour la publication d’articles critiquant la politique du gouvernement dans le journal qu’il détenait alors, Al-Ahdath, fermé en 2012.

Articles critiques

Après avoir travaillé quatre ans au Qatar, il est rentré au Soudan l’an passé pour lancer un nouveau Al-Ahdath —cette fois en ligne— qui emploie aujourd’hui neuf journalistes.

Depuis, il a publié plusieurs articles critiques qui, selon lui, auraient été difficilement imprimables dans son ancien journal.

L’un d’entre eux, dit-il, rendait compte en exclusivité du limogeage d’un haut conseiller de M. Béchir, Taha Osman, qui vit désormais en Arabie saoudite. Une information qui a fait du bruit dans les médias soudanais.

Le Soudan pointe au 174e rang sur 180 pays dans le classement 2017 de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse. L’ONG dénonce censure, procès et lourdes peines contre les journalistes.

En novembre, le NISS a notamment saisi les exemplaires des journaux indépendants Al-Tayar, Al-Jadida et Al-Watan, ce qui a représenté une perte de plusieurs milliers de dollars pour ces publications.

Et l‘étau pourrait encore se resserrer si le gouvernement approuve une nouvelle loi qui permettrait au Conseil de la presse d’interdire la publication d’un journal pour une durée de 15 jours sans décision de justice.

Selon la loi actuelle, ce Conseil doit saisir la justice s’il veut interdire une publication plus de trois jours.

Le nouveau texte permettra également à ce même Conseil d’annuler les licences des journalistes et des journaux.

‘Bel avenir’

Sur fond de crise économique et de menace grandissante du NISS, plusieurs journaux ne sont plus viables financièrement.

Environ 60% des publicités présentes dans les journaux proviennent de structures contrôlées par le gouvernement, affirme Ahmed al-Cheikh, rédacteur en chef du Sudan Times, autre journal en ligne lancé il y a cinq mois.

Les journaux critiquant la politique gouvernementale voient donc souvent leurs recettes publicitaires fondre. “Plusieurs journaux ne sont simplement pas en position d’offrir de bons salaires”, poursuit M. Cheikh.

Le salaire moyen d’un journaliste au Soudan est d’environ 445 dollars par mois. A cela s’ajoute le fait que les journaux papiers, suivant une tendance planétaire, se vendent moins. Dans ce contexte, le pays pourrait voir apparaître d’autres journaux en ligne. “Les autorités soudanaises n’ont pas encore regardé sérieusement les médias en ligne”, constate Ahmed al-Cheikh.

Pour les autorités, il est également plus difficile de viser ces nouveaux médias dont les bureaux sont souvent basés à l‘étranger, ajoute le rédacteur en chef. Notre site enregistre “environ 50.000 connexions chaque jour, c’est très encourageant”, se félicite Adil al-Baz.

Pour Osman Mirghani, rédacteur en chef du quotidien Al-Tayar, le journalisme en ligne a un avenir prometteur au Soudan.

Cette figure du journalisme indépendant a été brièvement détenue en octobre après la publication dans son journal d’un article accusant la famille du président Béchir de corruption. “Les journalistes travaillant dans les médias en ligne ne font pas face aux mêmes restrictions”, confirme cet ingénieur de formation dont la publication a été maintes fois suspendue par les agents du NISS.

AFP

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