Du Sahel à Tunis, la démocratie sous pression : l’alerte d’Ousmane Ndiaye

Des manifestants font un geste en direction de la police anti-émeute lors des manifestations marquant l'historique Saba Saba de 1990 7 juillet 2025.   -  
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Coup d’État au Niger, régime autoritaire en Tunisie, désillusion électorale au Congo ou en Guinée : les exemples se multiplient sur le continent africain où la démocratie semble perdre du terrain.

Le journaliste et auteur sénégalais Ousmane Ndiaye s’attaque de front à cette réalité dans son nouveau livre, L’Afrique contre la démocratie : mythes, déni et péril.

Dans cet essai engagé, il dresse un bilan sans concession de l’état démocratique du continent, interrogeant les échecs des institutions, les dérives autoritaires, mais aussi les discours qui tentent de justifier l’abandon progressif du modèle démocratique au profit de régimes dits « de transition », « souverainistes » ou « sécuritaires ».

Nous assistons actuellement à une régression démocratique sans précédent , affirme Ousmane Ndiaye. La contestation même de la démocratie est aujourd’hui assumée publiquement. Dans le Sahel , au Burkina Faso, au Mali, au Niger, les régimes militaires au pouvoir, réunis dans l’Alliance des États du Sahel, développent une rhétorique officielle de rejet du modèle démocratique.

La démocratie, en apparence seulement

Depuis 2020, une série de coups d’État a secoué l’Afrique de l’Ouest, ramenant au pouvoir des juntes militaires dans plusieurs pays. Si la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel est parfois formulée, dans les faits, ces régimes s’installent durablement. Mais Ousmane Ndiaye alerte : le danger ne vient pas uniquement des militaires.

Des dirigeants issus d’élections démocratiques, comme Kaïs Saied en Tunisie, sont également accusés de glissement autoritaire. Depuis son coup de force en 2021, le président tunisien concentre les pouvoirs entre ses mains, affaiblissant les contre-pouvoirs, restreignant les libertés publiques, et emprisonnant des opposants.

Sur le papier, les institutions sont démocratiques. Il y a un parlement, une assemblée nationale, une commission électorale indépendante… Mais de facto, rien dans leur fonctionnement n’est démocratique », déplore Ndiaye.

Les causes d’un recul profond

Ce recul démocratique, l’auteur l’explique par plusieurs facteurs convergents : la fatigue démocratique, la manipulation électorale, la corruption des élites, l’échec des politiques sociales, mais aussi le désenchantement populaire face à des régimes démocratiquement élus mais inefficaces.

Dans certaines régions, les populations acceptent, voire soutiennent les putschs militaires, perçus comme un moindre mal face à des gouvernements civils jugés incapables d’assurer la sécurité ou de répondre aux besoins fondamentaux.

Mais un espoir subsiste : l’éveil citoyen

Malgré ce constat alarmant, Ousmane Ndiaye refuse le fatalisme. Son livre, bien qu’intransigeant dans le diagnostic, se veut aussi un appel à la mobilisation des peuples africains pour reprendre en main leur destin politique.

« Je pense que l’élément d’espoir sera la capacité des populations à se prendre en charge. Pour moi, l’espoir, c’est l’éveil du citoyen », affirme-t-il. « Et par citoyen, je n’entends pas seulement le fait d’avoir une carte d’identité ou une carte électorale, mais la citoyenneté en tant que conscience de ses droits, de ses devoirs, et surtout, la volonté de les exercer. »

Dans ce sens, l’éducation civique, la participation politique des jeunes, la liberté de la presse et l’indépendance de la justice apparaissent comme les piliers d’un renouveau démocratique africain, encore possible mais de plus en plus menacé.

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