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Témoignage d'un artiste nigérian enlevé vendredi puis libéré

Témoignage d'un artiste nigérian enlevé vendredi puis libéré

Nigéria

Ado Dahiru Daukaka est un artiste nigérian engagé. Sa dernière sortie accusait les proches du président Muhammadu Buhari de corruption. Enlevé vendredi, l’artiste a été libéré après six jours de captivité. Il a livré son témoignage à notre correspondant.

Ado Dahiru Daukaka, musicien populaire dans le nord du Nigeria est un homme chanceux. Enlevé vendredi par des hommes armés non identifiés, il a été retrouvé sain et sauf par des villageois, sur une route dans la ville de Lamurde, dans le sud de l‘État de l’Adamawa.

A présent en convalescence dans une clinique à Lamurde, l’artiste a bien voulu raconter sa mésaventure à notre correspondant :

Des hommes m’ont appelé pour me dire qu’ils étaient intéressés par un album que j’ai composé pour l’ancien gouverneur de l‘État de Kano, prétextant qu’ils étaient eux aussi de Kano. Ils m’ont fait croire qu’il voulaient faire affaire avec moi et me rencontrer une première fois dans la nuit, mais j’ai refusé. Le vendredi dernier, l’un d’eux m’a accosté à la mosquée, après la prière du matin. Ils m’ont dit qu’ils retournaient sur Kano, donc voulaient en profiter pour me voir. Une fois devant ma boutique, l’homme qui m’a accosté m’a montré une voiture et m’a dit que son boss y était et qu’on devait y monter pour discuter avec ce dernier ; qu’il me donnera une liste de noms pour que je compose une chanson pour eux. Quand je suis monté, un autre homme m’a pointé une arme sur le cou et un autre m’a bandé les yeux…

Des heures plus tard, l’artiste s’est retrouvé dans un endroit qu’il ne connaissait pas, des hommes armés autour de lui, afin de décourager toute tentative de fuite. Selon le rescapé, ces hommes qui ne lui ont fait aucun mal, lui reprochaient cependant, d’avoir “mis son nez dans des affaires qui ne le concernent pas”. Après six jours de captivité, il a finalement été libéré par ses ravisseurs qui l’ont laissé aux abords d’une route dans la ville de Lamurde.

La police qui avait ouvert une enquête à l’annonce de la disparition de l’artiste n’a pas déclaré si elle avait des pistes sur les éventuels ravisseurs.

Dès le début de cette affaire, la position de la famille du chanteur était formelle : il était bien question d’un enlèvement pour motif politique. Pure coïncidence ou non, la disparition de l’artiste est intervenue après la sortie d’un titre dans lequel il accuse l’entourage du président nigérian Muhammadu Buhari d‘être corrompu. “Sa disparition est un enlèvement commandité par des parties en colère contre sa dernière chanson, qui expose la corruption dans les rangs des législateurs”, affirmait alors un membre de la famille.

Dans sa chanson intitulée “Gyara Kayanka” qui signifie “mettez un peu d’ordre chez vous” en langue haussa, le chanteur dépeint une société nigériane corrompue. Il y compare les législateurs du Parlement local avec leurs prédécesseurs peu scrupuleux, et les accuse de corruption et d‘égoïsme. Il prédit même l‘échec de Muhammadu Buhari et de son camp aux élections de 2019.

La chanson politiquement engagée est très courante dans le nord du Nigeria. Le chanteur populaire Fela Kuti en a fait les frais dans les années 80, à en croire les rapports des organisations de défenses des droits de l’homme. Si officiellement la légende de l’Afrobeat a été écroué pour trafic de dévises, ces organisations ont plutôt évoqué une incarcération politique car le chanteur critiquait vertement le régime militaire de l‘époque.

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