Tunisie : des "jardins suspendus" pour mieux résister à la sécheresse

Dans le nord de la Tunisie, des agriculteurs font pousser des milliers de figuiers grâce à un système unique d'irrigation qui, espèrent-ils, les protégera des sécheresses.   -  
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Au moment où la sécheresse met en péril les récoltes en Tunisie, des "jardins suspendus" dans un village à 700 mètres d'altitude dans le nord-est du pays résistent grâce à un système unique inscrit au patrimoine agricole mondial.

Connu surtout pour ses figuiers, Djebba fait partie depuis 2020 des " Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) ", une appellation gérée par l' Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) qui l'a décernée à quelque 70 sites dans 22 pays différents depuis 2005.

A Djebba, les agriculteurs ont réussi à façonner le paysage montagneux à leur avantage en intégrant l'agriculture sur les terrasses naturelles ou construites en pierres sèches . Ces " jardins suspendus " qui bénéficient aussi d'un système d'irrigation efficace satisfont aux besoins alimentaires des communautés locales tout au long de l'année .

Si les jardins de Djebba produisent de nombreux autres fruits et légumes, la figue reste le fruit fétiche du village qui organise depuis 2017 son festival annuel de "Karmous" (figue en dialecte tunisien) pour promouvoir ce produit phare et principale source de revenus pour la majorité des habitants de cette région.

Djebba produit plus de 13 variétés de figues dont celle de " Bouhouli " qui ne pousse que dans cette région et qui est protégée par une Appellation d'origine contrôlée (AOC) depuis 2012 .

"Richesses naturelles"

Les jardins suspendus dans la partie haute de Djebba, sont irrigués par l'eau de cinq sources au sommet de la montagne qui s'écoulent jusqu'aux canaux traditionnels qui traversent les fermes.

Les agriculteurs se répartissent l'eau en ouvrant et en fermant des canaux pendant des heures précises selon un système de partage basé sur la taille de chaque jardin et le nombre de ses arbres.

Pour tirer profit des " richesses naturelles " de sa région, Farida Djebbi , 65 ans, a fondé en 2016 une coopérative regroupant une dizaine de femmes pour valoriser et encourager le retour aux méthodes traditionnelles dans la production de la confiture, des figues séchées et de l'eau distillée de plusieurs plantes et fleurs sauvages.

Mais la région n'est pas totalement à l'abri des aléas climatiques, met en garde le militant local Taoufik Rajhi , 60 ans, qui alerte sur une baisse du niveau d'eau dans les sources ces dernières années, ce qui fait peser " une menace sur le système agricole ".

Si " la zone supérieure proche des sources d'eau " reste à l'abri, les jardins situés en contrebas, où les feuilles de certains arbres sont jaunissantes, risquent de pâtir de la rareté de l'eau, ajoute-t-il.

M. Rajhi estime que la baisse du niveau des sources est principalement dû au " changement climatique et à la mauvaise pluviométrie ".

"Maintenir l'équilibre"

Mais il pointe aussi à une tendance à privilégier l'agriculture commerciale avec une plantation intensive de figuiers, plus rentables, au détriment d'autres variétés moins consommatrices d'eau.

D'où, selon lui, la nécessité de " maintenir l'équilibre et la diversité " des jardins de Djebba. Selon le FAO, une telle diversité permet en effet une utilisation efficace de l'eau, maintient la richesse du sol et rend le modèle " résilient ".

Malgré la baisse du niveau de l'eau et son potentiel impact sur leurs cultures, les agriculteurs de Djebba se vantent de la spécificité de leur territoire, qui compte selon la presse pas moins de 25 000 figuiers.

En pleine saison de récolte dans sa ferme, Lotfi Al-Zermani , 52 ans, se félicite ainsi que les figues de Djebba soient " très demandées " en Tunisie mais aussi à l'export, grâce au label AOC.

" L'exportation est devenue plus facile et se fait en plus grande quantité, et le prix des figues a augmenté ", se réjouit-il.

" La figue n'est pas un simple fruit à Djebba. Nous sommes nés et nous grandissons parmi les figuiers. Nous apprenons à prendre soin d'eux depuis l'enfance ", dit Shaïma Rajhi , étudiante de 20 ans, en récoltant le fruit emblématique dans la ferme familiale.

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