Enlevées à leurs mères dans les années 40, des métisses congolaises réclament justice à l'État belge

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Léa Tavares Mujinga (à gauche) et Simone Ngalula.

Elles s’appellent Léa et Simone. Elles ne sont pas sœurs de sang, mais c’est tout comme. Leur enfance volée les unit. Dans les années 40, elles ont été enlevées à leur mère et élevées dans un couvent de Katende, dans la région du Kasaï, au Congo belge, devenant, à l’époque, des pupilles de l'Etat belge. Après une vie perdue et casée, elles réclament aujourd’hui justice à la Belgique . " Après ma naissance, mon père, qui était parti en vacances, est revenu et ne m'a pas trouvée, car l'Etat belge m'avait enlevée. J'avais deux ans ", raconte Léa Tavares Mujinga.

Son père, Léa le regarde, sur une photo de lui qu'elle a conservée. Un homme blanc. La mère de Léa, elle, était noire. Et le fruit de leur union, considéré comme une vilaine tâche à l’époque coloniale.

" On nous appelait les enfants du péché, parce qu'un blanc n'avait pas le droit d'épouser une noire. Si un blanc ou une blanche épousait un noir ou une noire, c'était un péché. Donc l'enfant qui naissait était un enfant de la prostitution. C'est de cette façon qu'on nous traitait : les enfants du péché ", dit-elle.

À l'indépendance en 1960, les enfants encore au couvent auraient dû être rapatriés avec les religieuses vers la Belgique. L'évacuation n'a pas lieu. Les fillettes restent seules. Des miliciens arrivent pour "les garder". Simone Ngalula se souvient.

" On est là, on nous met toutes en lignes par terre : "allez, écartez vos jambes, on va vous montrer comment on met des enfants au monde (NDRL : Simone parle des miliciens qui sévissaient dans la région du Kasaï), avec des bougies. Mais à ce moment-là, nous n'avions pas de notion de ce qu'était la pudeur, de notre corps. Nous n'étions que des petites livrées à elles-mêmes. Et on nous a demandé de faire ça. On a obéi malgré toutes les menaces. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on comprend. Heureusement, il y avait deux ou trois grandes filles qui se sont cachées, mais nous on était plus jeunes alors on s'est laissées faire sans savoir si ce qu'ils faisaient était bien ou mal. "

En 2019, l'Etat belge a présenté des excuses à ces femmes métisses marquées à vie, mais à leurs yeux, ce n’est pas suffisant. Léa, Simone, mais aussi Monique, Noëlle et Marie-José ont porté plainte pour "crimes contre l'humanité". La première audience d’un procès sans précédent pour la Belgique a lieu ce jeudi à Bruxelles.

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