Mozambique : peines sévères requises contre des policiers accusés du meurtre d'un observateur électoral

Le parquet mozambicain a requis jeudi des condamnations “exemplaires” contre six policiers accusés de l’assassinat d’une figure de la société civile à la veille des élections générales d’octobre dernier, mais écarté toute responsabilité de l’Etat.

A la tête d’un forum d’associations chargé de surveiller le scrutin, Anastacio Matavele, 58 ans, a été abattu le 7 octobre 2019 par des hommes armés alors qu’il circulait en voiture à Xai-Xai, la capitale de la province de Gaza (sud).

Ses agresseurs avaient été identifiés quelques minutes après à la faveur d’un accident de la route survenu alors qu’ils prenaient la fuite. Deux d’entre eux avaient été tués, deux autres blessés et capturés et un cinquième était parvenu à s‘échapper.

La police avait annoncé le lendemain du meurtre que quatre des assassins présumés appartenaient à une unité d’intervention de la police locale. Deux autres chefs policiers avaient été arrêtés plus tard, ainsi que le propriétaire du véhicule.

Un autre policier est toujours en fuite. Tous comparaissent devant un tribunal de Xai- Xai pour homicide volontaire, complot et usage prohibé d’armes à feu.

Au dernier jour d’audience, le procureur Leonardo Cumbe a requis jeudi la condamnation des accusés. “Si l’on en juge par la forme et la violence du crime, et les endroits du corps (de la victime) visés, il n’y a aucun doute sur l’intention de tuer des accusés”, a-t-il noté, exigeant des “peines sévères”.

Les six hommes risquent jusqu‘à vingt-quatre ans de prison. Dans son réquisitoire, le procureur Cumbe a toutefois écarté la responsabilité de l’Etat.

“Les accusés ont tenu leurs réunions dans des bars, pas sur leur lieu de travail (...) ils n‘étaient pas en mission le jour du meurtre”, a-t-il insisté, “il serait absurde pour l’Etat d’ordonner la mort d’un de ses citoyens”.

‘Neutraliser Matavele’

La juge Anna Liquidao a annoncé qu’elle rendrait son verdict le 18 juin prochain.

Au nom de la famille de la victime, l’avocat Flavio Menete a de son côté demandé jeudi à l’Etat de payer 35 millions de meticais (460.000 euros) de dommages et intérêts.

“Ceux qui ont commis ces crimes sont des officiers de police, agents de l’Etat. Ils ont utilisé des armes de service (...) l’Etat est responsable des actes de ses agents”, a plaidé M. Menete.

Comme de nombreuses ONG, il a souligné le caractère à ses yeux politique de l‘élimination d’Anastacio Matavele. “Le but était de neutraliser Matavele”, a-t-il souligné, “ils voulaient faire taire une figure de la société civile”.

Le collectif d’ONG auquel appartenait la victime avait révélé de nombreuses irrégularités dans les listes électorales locales.

L’avocat de quatre des policiers, Elisio de Sousa, a lui plaidé l’acquittement de ses clients, y compris celle de ceux accusés d’avoir ouvert le feu sur la victime. “Il n’est pas prouvé qu’ils ont utilisé les armes qui ont tué Matavele”, a-t-il estimé.

L’assassinat de M. Matavele avait provoqué un vif émoi au Mozambique pendant une campagne électorale émaillée de nombreux incidents violents.

La Commission électorale avait proclamé la victoire du président sortant Filipe Nyusi et de son parti le Frelimo, au pouvoir depuis l’indépendance en 1975.

L’opposition, comme nombre d’observateurs, avait dénoncé des fraudes massives mais ses recours ont tous été rejetés.

AFP
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