Le covid-19 plombe l'aviation en Afrique

À l’instar des compagnies aériennes du monde entier, celles du continent africain souffrent de l’expansion du coronavirus. Et comme c’est le cas un peu partout ailleurs, seuls les vols cargo et militaires sont autorisés à fendre les cieux, l’aviation civile étant paralysée.

Les compagnies aériennes africaines sont au bord de l’asphyxie financière. Pour preuve, 95% d’entre elles sont aujourd’hui à l’arrêt, si l’on s’en tient au bilan présenté par l’AFRAA (Association des compagnies aériennes africaines), qui regroupe en son sein 45 compagnies du continent.

Dans de nombreux pays africains, les aéroports restent fermés, ainsi que les frontières terrestres, maritimes et fluviales pour cause de pandémie de covid-19. Cette mesure est forcément lourde de conséquences pour les compagnies aériennes, obligées de suspendre, voire, d’annuler des centaines de vols à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique.

Abderrahmane Berthé, secrétaire général de l’AFRAA, avertit que ‘‘Si les compagnies aériennes africaines ne reçoivent pas de soutien, elles vont se retrouver en situation d’insolvabilité d’ici fin juin’‘.

Entre 2,5 et 3 milliards de dollars devront être débloqués ainsi que des allègements de taxes et de diverses charges, afin de sauver les compagnies aériennes africaines, selon le secrétaire général.

Abderrahmane Berthé : ‘‘Les compagnies africaines, bien avant la pandémie de Covid-19, étaient déjà dans une situation difficile. Elles perdaient de l’argent depuis dix ans alors que les autres compagnies dans le reste du monde gagnaient de l’argent. Cette crise est venue accentuer les difficultés.’‘

Berthé met aussi le doigt sur les charges des compagnies africaines qui s’accumulent :

‘‘Depuis deux semaines, c’est une grande catastrophe pour les compagnies africaines dont les avions ne décollent plus. Elles n’ont plus de revenus, dans le même temps, elles subissent des coûts incompressibles.’‘ Parmi ces nombreux coûts, la location des avions, la maintenance, les assurances et les frais de parking.

Comme l’a si bien dit le secrétaire général de l’AFRAA, les compagnies aériennes africaines traversent de nombreuses difficultés. À ce propos, l’AFRAA se porte bien avec 85% du trafic aérien interafricain et revendique à l’année 93 millions de passagers. Mais c’est sur le plan international que les choses se présentent mal pour nos compagnies, qui ne pèsent que 2 % du transport aérien mondial.

Les liaisons aériennes entre l’Afrique et l’Asie, qui connaissaient une embelllie, sont aujourd’hui menacées par la crise sanitaire mondiale sans précédent. Les transporteurs aériens africains redoutent un trou financier de plusieurs millions de dollars, rien que pour le seul arrêt des vols à destination de la Chine.

C’est ce qu’explique Raphaël Kuuchi, vice-président Afrique de l’Association internationale du transport aérien (IATA) : ‘‘Les premières estimations indiquent que 400 millions de dollars pourraient être perdus la deuxième semaine de février (2020)’‘. Cette prévision catastrophe a été publiée lors du sommet Aviation Africa, qui s’est tenu les 4 et 5 mars derniers à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne.

Les lucratifs vols Afrique – Asie étouffés par le virus

D’après une étude de l’IATA rendue publique fin février, ‘‘Le marché Afrique – Asie a connu la plus forte croissance en 2019 (+5 %), dans un contexte de relations commerciales solides entre les deux régions. Cependant, le rythme était bien inférieur à celui de 2018 (9,4 %)’‘.

La nette évolution du nombre de passagers-kilomètres payants (dans le jargon des compagnies aériennes, les passagers-kilomètres payants sont obtenus en multipliant le nombre de kilomètres parcourus par l’ensemble des passagers payants, NDLR.) entre l’Afrique et l’Asie surclassait la croissance mondiale estimée à 4,2%.

La même étude de l’IATA fait savoir que les compagnies aériennes du continent africain ont atteint ‘‘le taux de remplissage annuel le plus élevé de l’histoire de notre série chronologique (71,7 %)’‘.

La bonne santé des vols entre l’Afrique et l’Asie en 2019 concerne aussi les transports de marchandises. ‘‘Les tonnes-kilomètres de fret (unité de mesure de quantité de transport correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre, FTK) des compagnies aériennes africaines ont connu une forte croissance de 7,4 % en 2019, contre 0,3 % en 2018. Cette amélioration est due à la forte croissance des capacités et aux liens d’investissement avec l’Asie. En effet, les liaisons Afrique – Asie ont enregistré une croissance à deux chiffres des FTK l’année dernière (12,4 %)’‘, selon les experts de l’IATA

Pour l’heure, Ethiopian airlines continue de desservir régulièrement la Chine, presque toutes les autres compagnies aériennes africaines étant contraintes d’abandonner cette destination pourtant très rentable, coronavirus oblige.

Des commandes d’avions malgré tout

Mais les données n‘étaient pas toutes positives pour les compagnies africaines bien avant l’arrivée du tristement célèbre covid-19. La concurrence accrue entre ces compagnies, ajoutée aux revenus en dollars par passager en recul sont certains des freins au bon envol des compagnies du continent.

Parlant de recul, le plus significatif est de -8,7% relatif aux vols interafricains. Pour les vols Afrique – Europe, -7%, ceux entre l’Afrique et le Moyen-Orient sont de -5%, tandis que les vols entre l’Afrique et l’Amérique du Nord étaient de -3,1%.

Pourtant cette situation alarmante n’entame pas l’appétit vorace de l’industrie aéronautique, même en Afrique. L’ensemble des compagnies aériennes africaines a passé plusieurs commandes d’avions. Parmi celles-ci, 40 livraisons en 2019, dont 17 appareils de type monocouloirs. Cette année, 28 aéronefs du même genre et cinq gros-porteurs sont attendus sur le continent, sauf changement de situation.

Sur le plan mondial, l’IATA avance comme données 63 milliards de dollars de chiffre d’affaire en termes de perte pour les compagnies aériennes. Cette estimation prend en compte le cas où la pandémie se limiterait à l’Asie, avec reprise des vols d‘été vers d’autres régions du globe.

Mais la note s’avère encore plus salée ; l’IATA parle de 113 milliards de dollars de perte, si aucune région n‘échappe au virus et que cela contraint l’aviation mondiale à rester clouée au sol.
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