Soudan du Sud : les défis du paiement mobile

Pour le gouvernement du Soudan du Sud, le paiement mobile est une alternative à la quasi-absence de culture bancaire. Mais Juba devrait tenir compte des facteurs dont l’analphabétisme et la mauvaise qualité des infrastructures endommagées par la guerre civile.

Le Soudan du Sud à l’heure du paiement mobile. Quiconque en doute encore devrait être contredit par Angelo Adud, tenancier d’un kiosque « Mobile money » à Juba, capitale du pays d’Afrique de l’Est.

Ancien épicier, l’homme de 29 ans fait donc partie du public rencontré par la campagne de sensibilisation initiée récemment par le gouvernement soudanais au paiement mobile. Une campagne consécutive à un contexte socioéconomique tel que plus de 80 % de sud-soudanais n’ont pas de comptes en banque.

Juba estime en effet que l’envoi, la réception ou l‘épargne des fonds via la téléphonie mobile, devrait aider à relancer une économie sud-soudanaise étranglée par une guerre civile qui a déjà fait plus de 400 000 morts d’après des estimations.

Deux entreprises de téléphonie mobile sont ainsi mises à contribution pour exécuter le projet. Il s’agit de m-GURUSH, détenue par Trinity Technologies, une société détenue par des sud-soudanais et Nilepay, appartenant à des hommes d’affaires kényans et sud-soudanais. Les deux opérateurs travaillent en partenariat avec le Koweïtien Zain.

Mais le projet de Juba pourrait se heurter à de nombreux obstacles. Et l’analphabétisme est de plus en plus évoqué par des observateurs et redouté par des hommes d’affaires.

« Notre pays est dans une phase de digitalisation des échanges. C’est bien. Mais le numérique est difficile à comprendre. Je crains que de nombreux Sud-Soudanais ne sachent pas utiliser le Mobile money », craint Angelo Adud en expliquant à un de ses rares clients le processus de retrait d’argent via le mobile.

Lutter contre la corruption

Il y a également le problème d’identification dans un pays où à peine 16 % de la population possèdent une carte d’identité, nécessaire pour la souscription d’un abonnement à un réseau de téléphonie mobile.

Mais surtout le mauvais état du réseau de télécommunications endommagé pendant la guerre civile. « La plupart des pylônes de relais de Zain ont été détruits pendant la guerre », a déclaré Ahmed Hussein, directeur du marketing chez Zain.

Avant le début des combats en 2013, Zain couvrait neuf régions sur dix avec près de 400 tours de téléphonie cellulaire à travers le pays. Maintenant, il y en a moins de 200. De nombreuses régions du pays sont coupées.

L’opérateur tente d’augmenter la couverture en commençant par les grandes villes telles que Juba, Aweil, Bentiu et Wau.

L’autre défi à relever est celui de la corruption dans un pays qui, avec 13 points dans l’indice de perception de Transparency International de l’année dernière, pointe à la 178è place sur 180 pays.

D’où l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre des politiques efficientes de lutte contre la corruption. « Toutes les parties impliquées doivent partager les mécanismes de lutte contre le blanchiment d’argent qu’elles vont utiliser, telles que savoir d’où provient l’argent », propose Jeremy Gisemba, directeur du développement et du marketing de Lem international, une société de négoce érythréenne basée au Sud-Soudan.
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