Inspire Middle East : le renouveau du théâtre arabe au Liban et en Jordanie

Cette semaine, Inspire Middle East s’intéresse à l’art dramatique arabe au Moyen-Orient.

Notre journaliste Daleen Hassan part à la découverte du festival artistique de Beiteddine au Liban, qui existe depuis 1985. Dans cet épisode, Rebecca McLaughlin-Eastham rencontre le casting de la comédie musicale “Les ailes brisées”, la première adaptation musicale de la célèbre histoire d’amour écrite par Khalil Gibran. Enfin, Salim Essaid se rend dans un théâtre à but non lucratif en Jordanie sauvé par la communauté locale.

Le festival artistique de Beiteddine

Au sommet des montagnes de la région du Chouf au Liban, se cache un joyau culturel et historique. L’histoire du palais Beiteddine – ou la Maison de la Foi – s‘étend sur plus de 200 ans. Il fut construit par un architecte libanais au début du 18ème siècle.

La demeure était la résidence personnelle du prince Bachir Chehab II, qui a dirigé le Liban jusqu’en 1840. Mais le palais est rapidement devenu le centre culturel du Liban et accueille désormais un festival d’art. Lancé en 1985, pendant la guerre civile, ce festival était une déclaration d’espoir retentissante consacrant le statut culturel du Liban et les pouvoirs créatifs de son peuple. C’est aujourd’hui l’un des festivals les plus prestigieux du Moyen-Orient.

Depuis 35 ans, l’art, la culture, le théâtre et la musique s’importent au Mont-Liban grâce au festival. Des célébrités telles que Fayrouz, Sabah Fakhri, Elton John et Cesaria Evoria s’y sont représentés. Cette année, la scène accueillera le compositeur libanais lauréat d’un Oscar, Gabriel Yared, la chanteuse Yasmina Joumblatt et Gérard Depardieu.

“Nous sommes confrontés à de nombreux défis en raison de la transformation politique et sociale du monde arabe” nous explique Noura Joumblatt, présidente du festival. Selon elle, le festival contribue au maintien du dialogue interculturel dans une période complexe.

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Cette semaine, Inspire Middle East s’intéresse à l’art dramatique arabe au Moyen-Orient.

Notre journaliste Daleen Hassan part à la découverte du festival artistique de Beiteddine au Liban, qui existe depuis 1985. Dans cet épisode, Rebecca McLaughlin-Eastham rencontre le casting de la comédie musicale “Les ailes brisées”, la première adaptation musicale de la célèbre histoire d’amour écrite par Khalil Gibran. Enfin, Salim Essaid se rend dans un théâtre à but non lucratif en Jordanie sauvé par la communauté locale.

Le festival artistique de Beiteddine

Au sommet des montagnes de la région du Chouf au Liban, se cache un joyau culturel et historique. L’histoire du palais Beiteddine – ou la Maison de la Foi – s‘étend sur plus de 200 ans. Il fut construit par un architecte libanais au début du 18ème siècle.

La demeure était la résidence personnelle du prince Bachir Chehab II, qui a dirigé le Liban jusqu’en 1840. Mais le palais est rapidement devenu le centre culturel du Liban et accueille désormais un festival d’art. Lancé en 1985, pendant la guerre civile, ce festival était une déclaration d’espoir retentissante consacrant le statut culturel du Liban et les pouvoirs créatifs de son peuple. C’est aujourd’hui l’un des festivals les plus prestigieux du Moyen-Orient.

Depuis 35 ans, l’art, la culture, le théâtre et la musique s’importent au Mont-Liban grâce au festival. Des célébrités telles que Fayrouz, Sabah Fakhri, Elton John et Cesaria Evoria s’y sont représentés. Cette année, la scène accueillera le compositeur libanais lauréat d’un Oscar, Gabriel Yared, la chanteuse Yasmina Joumblatt et Gérard Depardieu.

Cette année, Gérard Depardieu était présent au festival de Beiteddine

“Nous sommes confrontés à de nombreux défis en raison de la transformation politique et sociale du monde arabe” nous explique Noura Joumblatt, présidente du festival. Selon elle, le festival contribue au maintien du dialogue interculturel dans une période complexe.

Noura Joumblatt, présidente du festival de Beiteddine

“Les défis d’il y a 35 ans semblent moins importants et fragiles par rapport aux sables mouvants du paysage actuel de la région. Nous espérons que tout cela va continuer, en gardant les mêmes standards, et en allant de l’avant dans l’innovation et la technologie” précise-t-elle.

Le chanteur Irakien Kadim Al Sahir, l’un des plus célèbres du Moyen-Orient à avoir connu le succès sur la scène internationale, est un exemple typique du talent arabe qui a grandi autour du festival. L’artiste a célébré le 20ème anniversaire de sa présence au festival devant 5000 personnes.

“À chaque fois que nous avons joué ici au cours de ces 20 dernières années, j’ai quitté la scène en étant sûr que le public était conquis” confie-t-il.

Pendant plusieurs années, Kadim a été membre du jury de la version arabe de The voice. Il s’efforce d’offrir les meilleurs conseils aux artistes en herbe. “Je tiens beaucoup à mon équipe, je leur donne le meilleur, car j‘étais à leur place il y a longtemps”.

Et qui sait, peut-être qu’un jour, l’un des protégés de Kadim viendra se produire sur cette scène, en conservant l’esprit de Beiteddine tout en y apportant quelque chose de nouveau, quelque chose d’enrichissant culturellement.

Khalil Gibran adapté en comédie musicale

Né en 1883, Khalil Gibran est un auteur, poète et philosophe libanais dont les récits sont appréciées non seulement dans son pays natal, mais également dans le monde entier. Souvent appelé le «Shakespeare de la région», l’auteur doit son succès à des textes dont l’un des plus célèbres et “Le prophète”.

Écrit en 1912, le roman autobiographique “Les ailes brisées” a été récemment adapté en une comédie musicale. Après ses débuts à Londres, le spectacle est au programme du festival de Beiteddine, pour le grand retour de l’oeuvre au Liban. Les lieux se prêtent parfaitement au récit dramatique de Gibran.

“Au début, je me suis demandé comment j’allais réussir ce travail” explique Bronagh Lagan, réalisatrice du spectacle. “Mais en regardant cette architecture, je me suis dit que je ne pourrais pas acheter, créer ou trouver un meilleur lieu que celui-ci” poursuit-elle.

Le livre raconte la grande histoire d’amour mélancolique de Gibran qui tomba amoureux d’une jeune femme, Selma, qui fut mariée par son père au neveu d’un évêque influent. Cette union forcée les a empêché de vivre leur amour. La tragédie touche des questions qui ont encore une résonance aujourd’hui, notamment sur les droits des femmes et le rôle de la religion dans la société.

Le spectacle a été co-écrit par l’artiste libanais-britannique Nadim Naaman, qui interprète également le narrateur – un Gibran vieillissant – dans la comédie musicale. Rebecca McLaughlin-Eastham l’a rencontré pour une interview.

Interview de Nadim Naaman, co-auteur de la comédie musicale

Rebecca McLaughlin-Eastham : Vous aviez pour mission de ramener Gibran chez lui. C’est une lourde responsabilité. N’est-il pas un peu sous-représenté dans la région, surtout au Liban ?

Nadim Naaman : Lorsqu’il était en vie et qu’il travaillait, il n’était pas vraiment présent au Moyen-Orient. Il est resté ici jusqu‘à l‘âge de 12 ans, puis il est allé à Boston pendant 5 ans et est revenu quelques années à l‘âge de 18 ans, mais c‘était tout. Comme vous le dites, il n’a pas nécessairement été suffisamment représenté. C’est l’héritage de son travail, ses paroles à titre posthume. Au cours des dernières décennies, il s’est vraiment fait connaître. Mais à l’époque, c‘était un peu un mystère. C’est toujours un choc pour les gens d’apprendre qu’il est le troisième poète le plus vendu de tous les temps.

RME: Vous avez évoqué le fait que Gibran était un immigrant du Moyen-Orient qui s’est rendu aux États-Unis. Nous ne pouvons pas ignorer qu’à l’heure actuelle, il est évident qu’un dialogue est en cours aux niveaux régional et national sur le sort des réfugiés. Avez-vous exploré ces thèmes dans cette production ?

NM : Absolument. Je pense que c’est l’un des thèmes qui nous a marqué lorsque nous avons lu le livre. Je ne crois pas qu’il soit vraiment utile de faire du théâtre si vous n’interrogez pas votre public et ne lui demandez pas de réfléchir un peu à ce qui est montré sur scène. Et je me pose toujours cette question : est ce que Gibran, âgé de 12 ans, et sa famille qui a tout perdu seraient les bienvenus à Boston aujourd’hui ? Cela n’aurait probablement pas eu lieu en 2019.

RME: Nous sommes ici (au Liban) dans une région où de nombreuses productions de West End et de Broadway viennent pour faire des tournées, plus ou moins longues. Mais pourquoi n’y a-t-il pas plus de productions locales comme la vôtre ?

NM: Les gens au Moyen-Orient aiment la musique, la danse, la tradition, la performance. Mais ils voient l’art comme un divertissement. Je pense que ce que le Moyen-Orient n’avait pas compris jusqu’à récemment, c’est que les arts sont une voix qui peut vous permettre de vous exprimer et de parler de votre culture et de la transmettre au reste du monde.

La technologie au service de l’art

Nadim Naaman a collaboré avec la compositrice et productrice qatarie Dana Al Fardan pour créer la comédie musicale. Les deux ont vécu dans des pays différents au cours des deux dernières années, la technologie de composition a donc joué un rôle majeur dans la réalisation des musiques.

“Gibran est un écrivain dont les mots ont une portée mondiale, dont le message est international, le message est pertinent aujourd’hui” nous dit Dana Al Fardan.

“Nadim et moi – deux personnes différentes de cultures différentes et de deux disciplines musicales différentes – avons décidé de nous réunir pour écrire cette comédie musicale sur ces principes universels. Il était donc logique que nous utilisions la technologie à notre avantage. Et nous ne faisons que nous envoyer des documents tous les jours, au fur et à mesure [...] Nous allons internationaliser Gibran. Je pense qu’aujourd’hui, plus que jamais, à une époque où l’accent est mis sur la division, nous avons le devoir, en tant qu’artistes, de diffuser son message dans le monde entier, qui porte sur la liberté, l’amour et la tolérance.

Un théatre sauvé en Jordanie

En 2016, le Docteur Abdelsalam Qubailat a ouvert le théâtre Al Shams (qui signifie soleil en arabe) à Amman dans un environnement ne soutenant pas les arts dramatiques. «J’ai envisagé de créer le théâtre car il n’y a pas de théâtre en Jordanie et c’est important pour tous les pays et toutes les sociétés. Ici en Jordanie, nous avons une rigidité et une répression sévères et c’est là que les arts jouent un rôle” explique-t-il.

Ce théâtre à but non lucratif a donné son premier spectacle en 2017, mais a dû fermer peu de temps après en raison d’un manque de fonds. Avec le soutien de la communauté d‘étudiants, d’avocats et d’hommes d’affaires, le Dr Qubailat a pu continuer à diriger le seul théâtre privé du pays.

Les tickets d’entrée du théâtre – qui doit son nom au théâtre du soleil de Paris – coûtent environ 10 dollars. Le lieu met en scène un contenu original avec des pièces satiriques sur le climat politique de la Jordanie et des sketchs plus légers et adaptés aux familles.

La pièce dramatique “Sea and Sands” mettant en scène la jeune Hayat Jaber met tout en oeuvre pour inciter les spectateurs à s’interroger sur le sens de la réalité. Elle est heureuse de pouvoir jouer gratuitement pour réaliser son rêve de devenir actrice.

“C’est difficile de trouver en Jordanie un texte et une équipe capable de faire quelque chose de créatif et qui stimule l’esprit du spectateur en même temps” explique la jeune comédienne.

La troupe est non seulement une source d’inspiration pour les amateurs de théâtre, mais elle motive également les autres spectateurs de la communauté à fouler les planches. “J’aspire à monter sur scène un jour et faire du théâtre, mais maintenant je suis un barista et je poursuis mes études” confie le Laith Tallouzi, serveur dans le café du théâtre.

Donc, qu’il s’agisse de café ou de performances artistiques, la communauté du théâtre s’engage à faire en sorte que le spectacle continue à Amman.
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