Présidentielle à Madagascar : fin du vote, place au dépouillement des bulletins

Les Malgaches ont voté mercredi pour arbitrer le duel au couteau qui oppose pour le second tour de l‘élection présidentielle les deux poids lourds de la scène politique locale, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, déterminés à retrouver le pouvoir.

La rivalité et l’inimitié qui opposent les deux ex-chefs de l’Etat font redouter de vives tensions à la proclamation des résultats, dans un pays habitué des crises politiques depuis son indépendance de la France en 1960.

Au terme d’une journée de scrutin sans incident notable, les opérations de dépouillement ont débuté en fin de journée dans une chaude ambiance.

Dans les 10 bureaux de vote du lycée JJ Rabearivelo, dans le centre de la capitale Antananarivo, le comptage de chacune des voix des candidats numéros 25 et 13, a été salué par les cris de joie de leurs partisans.

Sans surprise, Marc Ravalomanana est arrivé largement en tête dans ce quartier, un de ses fiefs. “Je suis sûre maintenant que mon candidat sera élu président”, s’est réjouie avant l’heure Bertine Razafinirina, un femme au foyer de 50 ans. “J’ai besoin d’un candidat qui connaît le monde rural, pas d’un président frimeur”.

“Ailleurs dans les provinces, c’est Andry Rajoelina qui arrive en tête”, lui a rétorqué un de ses soutiens, Roberto Raliarimanana, un instituteur de 35 ans. “Je vois déjà un avenir radieux pour Madagascar”.

Selon la plupart des analystes, le résultat s’annonce serré. Au premier tour, Andry Rajoelina, un ex-publicitaire et disc-jockey de 44 ans, avait viré en tête avec 39,23% des voix. Marc Ravalomanana, 69 ans, qui a fait fortune à la tête d’un groupe laitier, le talonnait avec 35,35%.

Rancunes

Les deux finalistes ont voté dès le matin à Antananarivo. “Je suis confiant, je pense que le peuple malgache tranchera une bonne fois pour toutes celui qui dirigera le pays”, a déclaré M. Rajoelina. “Avec la participation de tout le peuple malgache, j’espère que l’on va changer Madagascar”, a lancé en retour M. Ravalomanana.

Lors des dernières semaines de campagne, tous les deux ont laissé libre cours à leurs rancunes personnelles, nées de la crise de 2009.

Elu président en 2002, M. Ravalomanana a été contraint à la démission sept ans plus tard par une vague de violentes manifestations ourdies par M. Rajoelina. Maire de la capitale, ce dernier avait alors été installé par l’armée à la tête d’une présidence non-élue.

Ils avaient été privés de revanche en 2013, interdits de candidature à la faveur d’un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale.

Pour rallier les indécis et les abstentionnistes, MM. Rajoelina et Ravalomanana n’ont pas lésiné sur leurs moyens, apparemment illimités, ni sur les accusations.

Dès leur second débat télévisé dimanche dernier, M. Ravalomanana a reproché à son rival de préparer la fraude, faisant état de la circulation de “fausses cartes d’identité et de fausses cartes d‘électeur”.

Il a assuré mercredi qu’il n’accepterait “jamais” les résultats “s’il y a de la fraude”. Sitôt les bureaux de vote fermés, le camp de M. Rajoelina a riposté en dénonçant les “nombreuses manipulations, actes de corruption et tentative de détournement des voix de la part des partisans du candidat 25”.

Enjeux

Pour nombre d’observateurs, ces échanges laissent présager de très vives tensions dès l’annonce des premiers résultats significatifs, annoncés par la Commission électorale (Ceni) après Noël seulement. “Les résultats pourraient être très serrés et, dans ce contexte, même des irrégularités très minimes pourraient amener l’un ou l’autre candidat à les contester”, a pronostiqué Marcus Schneider, analyste à la fondation allemande Friedrich Ebert.

Comme l’a souligné l’ancien ministre de l’Education et candidat malheureux au premier tour, l’universitaire Paul Rabary, la défaite leur est interdite.

“Pour Marc Ravalomanana, c’est une question de vie ou de mort. Son groupe ne peut pas survivre s’il ne reprend pas le pouvoir”, a-t-il résumé. “Quant à Andry Rajoelina, son histoire personnelle est salie par le coup d’Etat. Il doit gagner pour laver son honneur”.

Le Premier ministre en exercice Christian Ntsay a appelé les deux candidats à la raison. “Je suis sûr qu’ils sauront calmer leurs partisans (...), le pays ne mérite pas d’autres troubles”, a-t-il estimé.

Ce face-à-face au tour très personnel a largement occulté les problèmes de fond du pays, un des plus pauvres du continent africain.

Manque criant d’infrastructure, corruption, insécurité, pauvreté, la Grande île et ses 25 millions d’habitants cumulent tous les handicaps. Victime du réchauffement climatique, sa pointe sud souffre depuis des années d’une sécheresse qui met en péril sa population.

“J’attends du président (...) qu’il nous sorte de la pauvreté infernale dans laquelle nous vivons”, a souhaité Monique Norosoa, une femme au foyer de 45 ans qui a voté à Antananarivo.

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AFP

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