Gabon : la difficile lutte contre le trafic d'enfants ouest-africains

Achetés en Afrique de l’Ouest, des centaines d’enfants victimes de trafic arrivent au Gabon ; pays d’Afrique centrale qui peine à lutter contre les réseaux de trafiquants.

À 15 ans, Adama (prénom modifié), une jeune Togolaise, a été exploitée comme domestique au Nigeria, avant d‘être amenée au Gabon chez une femme qui l’envoyait vendre des aliments dans la rue sans la payer.

Sénami (prénom modifié), 13 ans, a été achetée au Bénin. “Mon père ne voulait pas, mais c’est mon oncle qui a été ensorcelé et a convaincu mon père de me vendre” à un trafiquant, accuse-t-elle.

Nounous, vendeurs de rue, gardiens de nuit, aides d’aveugles, voire esclaves sexuelles : les histoires de jeunes filles et garçons victimes de trafic au Gabon et forcés à travailler sans salaire sont courantes.

Un business lucratif

Il s’agit de “criminalité transnationale organisée”, c’est “tout un réseau qui part de l’Afrique de l’Ouest” et il arrive même que des enfants soient à nouveau victimes de trafic après avoir été réunis avec leurs proches, explique Mélanie Mbadinga Matsanga, membre du Comité national de suivi de la lutte contre la traite des enfants au Gabon.

Une petite “nounou” au Gabon rapporterait entre 100.000 FCFA (environ 150 euros) et 150.000 FCFA (près de 230 euros) par mois au trafiquant d’après les témoignages recueillis par l’UNICEF, indique son représentant au Gabon, Michel Ikamba.

“L’enfant n’est pas payé, il travaille pour le réseau (et) rien ne va à son village d’origine”, explique-t-il.

Le réseau comprend généralement le passeur dans le pays de transit (principalement le Nigeria), le passeur du pays d’accueil, l’hébergeur qui paye les passeurs, et la personne qui place l’enfant dans les foyers au Gabon, détaille M. Ikamba.

Lorsqu’un trafiquant est inquiété par la justice, “on constate des tentatives de corruption sur les juges”, à qui les trafiquants proposent de l’argent pour libérer leur “ami”, explique sous couvert d’anonymat un magistrat qui dit avoir vécu cette situation.

Un réseau tentaculaire

Achetée 500.000 FCFA (760 euros) en 2012 à un “réseau tentaculaire” par un Malien résident au Gabon, Niakate Tene, 12 ans, venue du Mali, devait être forcée de l‘épouser. Retrouvée par la police enchaînée et en pleurs chez son “mari”, la jeune fille a été libérée. L’homme n’a fait qu’un mois de prison avant d‘être remis en liberté provisoire, regrette le magistrat.

Au Gabon, le phénomène a diminué depuis le début des années 2000, grâce à une loi de 2004 criminalisant la traite des enfants, selon l’Unicef qui n’a cependant aucun chiffre précis. 

“On a déféré plusieurs personnes et cela a fait grand bruit et il y a eu une prise de conscience”, estime Sylvianne Moussavou, lieutenant-colonel de l’armée gabonaise, spécialisée dans la lutte contre l’exploitation des enfants. “Beaucoup de gens font désormais attention à l‘âge” mais il arrive qu’il soit changé sur de faux papiers, regrette-t-elle.

Le trafic d’enfants a aussi pris des formes plus cachées avec les employés à domicile, selon le magistrat.

“Je connais beaucoup de gens qui ont des enfants chez eux. Ils savent que c’est illégal, mais un enfant coûte moins cher”, témoigne un Camerounais de Libreville.

AFP
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