Gambie : quand Yahya Jammeh déjoue tous les pronostics et félicite son adversaire

Yahya Jammeh, qui quitte le pouvoir à 51 ans après 22 ans de règne, ils étaient peu à l’avoir imaginé. Et pourtant, l’ancien homme fort de Banjul a tourné le dos au pouvoir sans tumulte, reconnaissant au passage la victoire de son adversaire Adama Barrow, dans une déclaration à la Nation dans la soirée du vendredi.

Quelques heures avant le scrutin du 1er décembre, Yahya Jammeh se présentait comme un indéboulonnable. “Seul Dieu peut me faire partir”, avait-il lâché, quasiment sûr de ne pas perdre.

Il prévenait à l’occasion qu’il ne tolérerait aucune contestation électorale par des manifestations, qualifiées de “failles exploitées pour déstabiliser les pays africains”, parlant de contestations exclusivement devant les tribunaux. Une réaction qui avait fait naître des craintes de le voir s’accrocher au pouvoir, même en cas de défaite. Et pourtant…

Ce vendredi, le président de la Commission électorale indépendante (IEC), Alieu Momar Njie, déclarait la victoire d’Amadou Barrow, un homme d’affaires qui, il y a six mois encore, était un parfait inconnu du grand public. Investi par une large coalition de l’opposition, le nouveau président de la Gambie a battu à plate couture son prédécesseur Jammeh, 45,5 contre 36,6 %.

Dans une adresse à la nation dans la soirée de vendredi, Yahya Jammeh a reconnu sa défaite et félicité son adversaire. Il confirme ainsi les propos du président de l’IEC, qui saluait dans la matinée la “magnanimité” d’un homme qui n’aura cessé de surprendre par sa personnalité aux multiples facettes.

Yahya Jammeh, l’imprévisible président

Depuis son accession au pouvoir en 1994 par un coup d’Etat sans effusion de sang, l’ancien colonel de l’armée gambienne, marié et père de deux enfants, s’est affublé des titres honorifiques. Il a ajouté à son nom de naissance une série de titres plutôt retentissants, se faisant appeler “Son Excellence Cheikh Professeur El Hadj Docteur”, ainsi que, depuis quelques années, “Babili Mansa”, ayant le double sens de “bâtisseur de ponts” et “roi défiant les fleuves” en malinké, une des langues parlées en Afrique de l’Ouest.

Des titres qui expriment peu ce que l’ancien président gambien prétend savoir faire dans la médecine traditionnelle. Son site officiel lui attribue ainsi “une vaste connaissance dans la médecine traditionnelle, surtout dans le traitement de l’asthme et de l‘épilepsie”. Il assure pouvoir “guérir” de la stérilité et du Sida avec des plantes et des incantations mystiques, donnant lieu à des séances collectives filmées et diffusées par les médias publics.

Yahya Jammeh, c’est aussi des déclarations au vitriol à l’endroit de la communauté internationale, des homosexuels, ou encore de la Cour pénale internationale, de laquelle il a retiré la Gambie en octobre, bien que la procureure soit son ancienne ministre de la Justice.

Face aux organisations de défense de droits de l’Homme et autres chancelleries qui l’accusent de violations systématiques des droits humains, Yahya Jammeh n’a qu’une réponse : “peu importe ce que les gens disent de moi, je n’en suis pas touché”, avait-il dit en déposant sa candidature en novembre. “C’est entre moi et Dieu”.
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