Sénégal : Habré condamné à la perpétuité

L’ancien président tchadien Hissène Habré a été condamné à la prison à vie lundi par le tribunal spécial africain siégeant à Dakar (Sénégal), qui l’a reconnu coupable de crime contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement. L’ex-homme fort du Tchad était poursuivi pour son rôle dans la répression organisée pendant son règne entre 1982 et 1990, au Tchad.

“La Chambre conclut, après avoir apprécié la gravité des crimes commis, compte tenu de la situation personnelle de Hissène Habré, que les circonstances aggravantes l’emportent nettement sur les conséquences atténuantes. En conséquence, Hissène Habré, la Chambre vous condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité’‘, a fait savoir Gberdao Gustave Kam, président du tribunal spécial dans l‘énoncé du verdict.

Le président du tribunal spécial a par ailleurs informé l’ancien numéro un Tchadien qu’il dispose de 15 jours à compter de la date du prononcé du jugement, pour faire appel conformément à l’article 360 du Code de procédure pénale.

Ce jugement marque un tournant dans l’histoire de la justice africaine et semble sonner le glas de l’impunité des anciens dictateurs sur le continent. C’est en effet pour la première fois qu’un ancien chef d’Etat a été jugé, puis condamné par une juridiction continentale pour des actes posés lors de règne.

D’où la satisfaction des associations de défense des droits de l’homme qui y voient ‘’ la fin de l‘époque où les tyrans pouvaient brutaliser leur peuple, piller les richesses de leur pays puis s’enfuir à l‘étranger pour profiter d’une vie de luxe”, souligne Reed Brody, cheville ouvrière de cette procédure au sein de l’organisation Human Rights Watch.

Du côté de la défense, le ton est à la déception. Me Abdou Gningue, un des avocats commis d’office de l’ancien homme fort du Tchad dit avoir “l’impression que la Chambre n’a fait qu’homologuer le réquisitoire” du procureur spécial, qui avait requis la perpétuité.

La répression sous Habré a fait plus de 40.000 morts selon une commission d’enquête tchadienne. La condamnation de l’ex-président tchadien est plus qu’une victoire pour les victimes de son régime.

‘‘C’est le couronnement d’une âpre et longue lutte contre l’impunité. Aujourd’hui, l’Afrique a gagné”, a réagi à la sortie de l’audience le président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH), Clément Abaïfouta. Avant d’ajouter, “Nous disons merci au Sénégal et à l’Afrique qui a jugé l’Afrique”.

Tout au long de son procès qui démarré en juillet 2015, Hissène Habré, 73 ans, a adopté le silence comme ligne de défense, récusant le tribunal chargé de le juger. Ce lundi, changement d’attitude ; l’ancien président a salué ses partisans avant de crier ‘‘A bas la Françafrique !’‘, les bras en l’air.

Hissen Habré avait été arrêté à Dakar le 30 juin 2013, où il avait trouvé refuge en décembre 1990, après avoir été chassé du pouvoir par l’actuel chef de l‘État tchadien, Idriss Déby.

Son procès avait démarré depuis le 20 juillet par des chambres extraordinaires, créées suite à un accord entre le Sénégal et l’Union africaine.

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