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BRICS : le lien complexe de l'Afrique du Sud avec la Russie

BRICS : le lien complexe de l'Afrique du Sud avec la Russie
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le président russe Vladimir Poutine se serrent la main au sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, le 27 juillet 2023   -  
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Sergei Bobylev/TASS Host Photo Agency

Afrique du Sud

La passion de l'Afrique du Sud pour la Russie de Poutine, grand absent du sommet des BRICS la semaine prochaine à Johannesburg, s'est nourrie du soutien soviétique aux combattants de l'apartheid mais se prolonge bien au-delà, laissant perplexe nombre d'observateurs.

Son prolongement contemporain interroge d'autant plus qu'il semble aller à l'encontre des propres intérêts, commerciaux comme diplomatiques, du pays africain.

Ces liens font l'objet d'un examen approfondi depuis l'invasion de l'Ukraine et la décision de Pretoria de ne pas la condamner, perçue comme un soutien implicite à Moscou. La longue ambivalence sur la venue ou non du président russe au sommet des BRICS a alimenté les spéculations.

Vladimir Poutine, sous le coup d'un mandat d'arrêt international, a finalement décidé le mois dernier de ne pas y participer, mettant fin à un épineux problème pour Pretoria.

L'ANC (African National Congress), parti au pouvoir depuis 1994, a tissé des liens avec les Soviétiques lors de décennies de "lutte" contre la domination blanche. "On peut dire que leur alliance est une amitié construite dans le sang... et les balles", souligne l'analyste politique Sandile Swana.

Mais pas seulement.

Politiquement, l'ANC et le parti de Poutine formen_t "un drôle de couple"_, relève Steven Gruzd de l'Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA). Les valeurs nationalistes de Russie unie sont étroitement liées à l'Église orthodoxe, quand l'ANC penche à gauche et défend les droits des LGBTQ.

Économiquement, la relation a encore moins de sens. Pretoria subit de fortes pressions des Etats-Unis et de l'Europe pour s'éloigner de Moscou. Washington est le deuxième partenaire commercial de Pretoria après Pékin, avec 4,2 milliards de dollars d'exportations au premier semestre, contre seulement 132 millions avec Moscou.

Des accusations récentes selon lesquelles Pretoria aurait secrètement fourni des armes au Kremlin ont incité Washington à menacer d'exclure l'Afrique du Sud d'un important pacte commercial, inquiétant entreprises et partis d'opposition. L'ANC a dénoncé une tentative "d'intimidation".

Mais le politologue William Gumede estime qu'il est temps que Pretoria reconnaisse que son allégeance à Moscou ne sert plus le pays et se base sur un "lien émotionnel" que "nous ne pouvons pas nous permettre".

En juin, le président Cyril Ramaphosa a mené une mission de paix africaine à Kiev, permettant d'étayer ses déclarations de "neutralité" dans le conflit. Ce voyage a été salué par des Ukrainiens qui ont parfois du mal à comprendre comment l'ANC, qui a combattu l'oppression, ne s'identifie pas au combat de Kiev pour contrer son invasion.

Ramaphosa a pu "parler directement" aux Ukrainiens et évaluer la situation par lui-même, note Dzvinka Kachur, responsable associative ukrainienne en Afrique du Sud qui estime que Moscou réussit à manipuler et embellir son image sur le continent. L'Ukraine faisait partie de l'Union soviétique, fait-elle valoir, et a contribué "de manière significative aux mouvements anti-apartheid".

Pour Poutine, nostalgique de l'URSS, l'Afrique du Sud est une porte d'entrée stratégique vers un continent devenu un champ de bataille diplomatique, selon les experts.

Mais certains pensent que la relation s'est épanouie dans la déconnexion entre les valeurs fondatrices du pays africain et ce que son parti au pouvoir représente aujourd'hui, dans un contexte d'accusations généralisées de corruption et de mauvaise gestion.

"L'ANC voit clairement autre chose dans la Russie de Poutine - quelque chose d'ambitieux", écrit Richard Poplak, chroniqueur au Daily Maverick. "La Russie est le phare sur la colline, une autocratie brillante qui éclaire la voie vers une gouvernance éternelle", ajoute-t-il avec ironie dans un billet en juillet.

L'argent compte aussi. Logique pour l'ANC, à court d'argent, de se rapprocher de Poutine en raison du soutien financier potentiel attendu, souligne M. Grudz.

L'an dernier, le parti a reçu plus de 800 000 dollars d'une société minière de manganèse liée à un magnat russe sanctionné par Washington pour financer un congrès important, un don qui a fait lever de nombreux sourcils.

"L'ANC se range du côté de la Russie pour une seule raison : parce qu'elle finance l'ANC, et donc infiltre et déstabilise la démocratie sud-africaine", a accusé en mai John Steenhuisen, chef de l'opposition.

Tokologo Ngoasheng, un responsable de l'ANC à Johannesburg, rétorque que le parti a aussi reçu des dons de la part d'"hommes d'affaires américains". "Cela ne devient un problème que lorsque ce sont des Russes qui soutiennent l'ANC", a-t-il dénoncé, "ce n'est pas juste".

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