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Centrafrique : Touadéra, "homme de la paix" ou "président Wagner" ?

Centrafrique : Touadéra, "homme de la paix" ou "président Wagner" ?
Le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, assis lors de sa cérémonie d'investiture à Bangui le 30 mars 2021   -  
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Adrienne Surprenant/Adrienne Surprenant / Collectif Item

République Centrafricaine

S****ous la garde très rapprochée de mercenaires russes et de Casques bleus rwandais, le président de la Centrafrique, Faustin Archange Touadéra, goûte manifestement le plaisir de saluer la foule à Bangui.

Elu par surprise en pleine guerre civile en 2016, ce professeur de mathématiques pures, diplômé de l'université de Lille en France, s'est mué, en sept ans, de technocrate un peu timide promettant de restaurer la paix en chef d'Etat assuré.

A 66 ans, celui qui avait été Premier ministre du président François Bozizé de 2008 à 2013 s'accroche au pouvoir, lui que ses détracteurs affublent du sobriquet de "président Wagner", du nom de la société privée russe qui soutient son régime.

Après l'annonce lundi de l'approbation par référendum - à une majorité écrasante - d'une nouvelle consitution, Faustin Archange Touadéra a la possibilité de briguer un troisième mandat à la tête du pays en 2025, ce que lui interdisait l'ancienne loi fondamentale, et en dépit des critiques acerbes de ses adversaires qui l'accusent de vouloir rester "président à vie".

S'il est réélu dans deux ans, il pourrait atteindre les 16 ans au pouvoir en Centrafrique, un des pays les plus pauvres au monde.

"FAT", comme il est surnommé, apparaît toutefois isolé sur la scène internationale.  Il est accusé par l'Onu, les ONG internationales et les chancelleries occidentales d'avoir troqué la survie de son régime et une "paix" toute relative contre les maigres richesses de son pays, notamment en or et en diamant, exploitées par des sociétés russes liées à Wagner, alors que la Centrafique est sous perfusion de l'aide internationale.

Son régime fragile, menacé par une rébellion et sauvé du chaos par l'intervention massive des mercenaires russes en 2020, le laisse apparaître au mieux comme un président "prisonnier" de l'étranger, au pire comme "l'otage" des "mercenaires prédateurs russes" de Wagner.

C'est en ces derniers termes que l'a fustigé en mai 2021 le président français Emmanuel Macron. L'ancienne puissance coloniale a perdu la majeure partie de l'influence militaire et économique qu'elle entretenait en Centrafrique depuis l'indépendance en 1960, au profit de Moscou.

Crimes contre les civils

Depuis 2020, les actions de guérilla dans les campagnes se poursuivent, et l'Onu et des ONG accusent régulièrement rebelles, militaires et mercenaires russes de commettre des crimes contre les civils, un fléau que la force de maintien de la paix des Nations unies sur place (Minusca) ne parvient pas à endiguer.

Pour ses partisans, M. Touadéra est néanmoins considéré comme "l'homme de la paix". Ils lui sont reconnaissants d'avoir restauré la sécurité sur une importante partie du territoire, et d'avoir conclu en 2019 à Khartoum un accord avec 14 groupes armés, intégrant notamment leurs chefs et cadres dans le gouvernement ou dans l'administration, moyennant leur ralliement et le désarmement de leurs milices.

Dès le début de son premier mandat, FAT avait pourtant dû composer avec les divers clans et mouvements de tous ceux qui s'étaient ralliés derrière lui au second tour afin de composer une majorité à l**'Assemblée nationale**. Ce n'est qu'en 2018 qu'il achève de les fédérer en créant son Mouvement coeurs unis (MCU).

Pour d'autres, il a fait entrer de nombreux loups dans la bergerie et se retrouve aujourd'hui prisonnier de certains chefs de guerre, très proches des Russes ou "en affaires" avec eux dans certaines provinces. Venant renforcer un peu plus le sentiment de prédation à mesure que les caisses de l'Etat se vident.

Régions riches en minerais

Son régime plaide que la communauté internationale ne lui a pas laissé le choix. L'ONU lui avait imposé un embargo sévère sur les armes alors que les rebelles se fournissent aisément dans la région, avant de l'assouplir le 27 juillet en excluant celles destinées aux forces gouvernementales. Une décision vue comme un "affront" par Bangui qui plaidait pour une levée totale de l'embargo, soutenue par la Chine et la Russie.

Avant que Wagner se comporte comme en terrain conquis dans la capitale ou dans les régions riches en minerais, M. Touadéra, natif de Damara, à 60 km au nord de Bangui, jouissait pourtant d'une certaine popularité dans la communauté internationale, ayant courageusement pris la tête d'un Etat failli et d'un pays ravagé par la guerre.

Mais s'estimant "abandonné", il a fini par se tourner vers Moscou et se muer en animal politique, analysent certains experts de la région.

Pour eux, tour à tour impassible et souriant, M. Touadéra manie la dualité comme principale arme politique.

"Sa marque de gouvernance est de dire oui à tout le monde sans trancher publiquement", estime ainsi Charles Bouessel, consultant senior pour le think-tank International Crisis Group (ICG).

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