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Niger : l'aide internationale, une perfusion en passe de se tarir

Niger : l'aide internationale, une perfusion en passe de se tarir
Les partisans de la junte se rassemblent pour une manifestation à Niamey, au Niger, le 3 août 2023   -  
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Sam Mednick/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.

Niger

Le coup d'Etat au Niger, qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum la semaine dernière, a entraîné l'annonce par plusieurs Etats de la suspension d'une partie de leur soutien financier, très important pour l'un des pays les plus pauvres du monde.

Le montant total des aides bilatérales au bénéfice du Niger, pays de 26,2 millions d'habitants, a été de 1,8 milliard de dollars en 2021, d'après les derniers chiffres agrégés par l'OCDE, soit le plus gros soutien pour un pays d'Afrique de l'Ouest après le Nigeria (3,5 milliards de dollars) - mais la population du Nigeria est près de dix fois supérieure.

Au Niger, la moitié des habitants vit avec 2,15 dollars par jour, soit le seuil de pauvreté, traverse des crises alimentaires récurrentes et le pays affiche l'un des pires indices de développement humain au monde.

Le pays est aussi soutenu par des organisations internationales comme la Banque mondiale, qui a déboursé 1,5 milliard de dollars en 2022, et les banques de développement à travers des projets sur le terrain.

L'appui financier prend également en grande partie la forme d'aides militaires à un pays aux prises avec des attaques régulières de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et l'Etat islamique au Sahel et qui abrite sur son sol des militaires occidentaux, en bonne partie français.

Un quart des dépenses publiques nigériennes sont ainsi financées par des dons extérieurs et l'aide internationale représente 9% du PIB, composée de dons ou de prêts très avantageux, estime auprès de l'AFP Dominique Fruchter, économiste en charge de l'Afrique de l'Ouest au cabinet Coface, un expert français en gestion des risques.

"Seulement 62% du budget du Niger est financé nationalement, le reste par des financements extérieurs", affirme l'Union européenne.

La France, la première, a annoncé la suspension de son aide publique au développement, de 120 millions d'euros l'an dernier et qui devait être un peu supérieure cette année, ainsi que des soutiens sécuritaires.

L'Allemagne lui a emboîté le pas lundi sur l'aide au développement et sur son appui budgétaire. L'enveloppe globale négociée en 2021 pour deux ans - la dernière en date - s'engageait sur 120 millions d'euros.

Berlin va toutefois maintenir l'approvisionnement en denrées alimentaires, tandis que Londres va continuer à fournir une assistance humanitaire "critique", tout en suspendant aussi son aide au développement à long terme, selon le ministre du Développement et de l'Afrique Andrew Mitchell.

L'Union européenne va "suspendre l'appui budgétaire" et "toutes les actions de coopération dans le domaine sécuritaire", a affirmé mardi le chef de sa diplomatie Josep Borrell. Un plan de développement sur la période 2022-2026 prévoit le versement de 2,3 milliards d'euros de l'UE et des Etats membres.

La Banque mondiale a annoncé à son tour mercredi qu'elle suspendait ses versements "pour toutes ses opérations et jusqu'à nouvel ordre". Elle avait déjà déboursé 730 millions depuis le début de l'année. Le Fonds monétaire international (FMI) n'a pour l'instant pas refermé son robinet.

Et les Etats-Unis sont jusqu'ici mutiques sur l'avenir de leur soutien. Une suspension des aides surviendrait automatiquement si le pays qualifiait la crise politique actuelle de coup d'Etat. Washington a prévu de verser 233 millions de dollars pour 2023 en aide humanitaire, outre un vaste programme de 437 millions de dollars mis en œuvre en 2018 en association avec le secteur privé.

Les pays d'Afrique de l'Ouest ont eux imposé un blocus économique au Niger.

"Renoncer à ces appuis, c'est se faire hara-kiri. Et pour le pays nous pensons que ce sera une catastrophe", s'est alarmé dimanche le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou sur la chaîne France 24.

Il n'est "pas sûr que toutes les aides disparaissent, même dans le pire des cas", à savoir une réussite du coup d'Etat, tempère toutefois Dominique Fruchter.

Pour l'économiste, "si l'on observe ce qui se passe ailleurs, elles n'ont pas entièrement disparu", par exemple au Mali où, malgré un coup d'Etat en 2021, un certain nombre de programmes notamment sous l'égide de la Banque mondiale sont en cours.

L'institution de Washington a toutefois annoncé mercredi dans un communiqué avoir "suspendu les décaissements pour toutes les opérations jusqu'à nouvel ordre, à l'exception des partenariats avec le secteur privé qui se poursuivront avec prudence" au Niger.

Quoi qu'il en soit, un tarissement des soutiens aura nécessairement des répercussions lourdes sur l'économie nigérienne. Un rare motif d'espoir pour l'économie du pays repose sur le fait qu'avant la crise politique, le gouvernement se réjouissait de la mise en service à la fin de l'année d'un nouvel oléoduc.

Celui-ci devrait faire bondir l'extraction de pétrole et la croissance nigérienne l'an prochain et représenter jusqu'à un quart du PIB, selon les estimations du gouvernement en sursis, de quoi éponger une partie des pertes d'appuis internationaux.

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