Sénégal
Le président sénégalais Macky Sall va mettre fin au suspense : il doit annoncer lundi soir s'il sera candidat à un troisième mandat pour la présidentielle de 2024 dans un climat de haute tension, son principal opposant appelant à manifester massivement quel que soit son choix.
Depuis des mois, le chef de l'État entretient le flou sur sa candidature, laissant les Sénégalais spéculer dans l'attente de cette décision qui pourrait décrisper le climat politique s'il se désiste, ou provoquer une nouvelle fièvre s'il acte sa participation.
Il prononcera son discours à 20 h, en direct sur la télévision publique RTS.
Après avoir été un dirigeant du mouvement contre la candidature pour un troisième mandat de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, au pouvoir de 2000 à 2012, et avoir soutenu à de multiples reprises qu'il ne ferait que deux mandats, le président Sall refuse depuis plusieurs mois de lever le doute sur ses intentions et n'a placé aucun dauphin sur le devant de la scène.
Élu en 2012, réélu en 2019, il a fait réviser la Constitution en 2016. Elle stipule que "nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs". Ses opposants estiment donc qu'il finit ses deux mandats légaux.
Mais ses partisans le présentent comme leur candidat en 2024, arguant que la révision a remis les compteurs à zéro. Pour lui, le débat sur le plan juridique est tranché en sa faveur. Restent les considérations politiques.
Le climat est explosif au Sénégal. Le 1er juin, l'opposant Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs. Sa condamnation le rend en l'état actuel inéligible. Elle a engendré début juin les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, faisant 16 morts selon les autorités, 24 selon Amnesty international et une trentaine selon l'opposition.
M. Sonko, qui jouit d'une grande popularité auprès de la jeunesse, n'a cessé de crier au complot du pouvoir pour l'écarter de l'élection présidentielle de février 2024, ce que le pouvoir réfute. Il est bloqué par les forces de sécurité chez lui à Dakar, "séquestré" selon lui, depuis le 28 mai.
Dans une vidéo dimanche soir sur les réseaux sociaux, l'opposant a appelé les Sénégalais à manifester "massivement" les prochains jours. "Nous devons sortir pour affronter le régime de Macky Sall et dire que ce ne sera pas à lui de choisir les candidats qui devront s’affronter pour la prochaine élection présidentielle", a-t-il déclaré.
Selon l'opposant, si le président ne se présente pas, ce serait pour mieux l'éliminer. En cas d'arrestation et s'il n'est pas libéré dans les deux heures, "j'appelle tout le peuple sénégalais à se lever comme un seul homme et à sortir massivement et cette fois-ci à en finir avec ce régime criminel", a-t-il dit.
Si le président se présente, "je crois qu'il incombe à tout le peuple sénégalais de se mettre debout" et "lui faire face", a-t-il déclaré. "Si on doit mener un combat, il faut qu'il soit définitif. J’en appelle à un sursaut national. Les jours et les semaines à venir seront cruciaux" et "difficiles", a-t-il ajouté.
Lundi matin, la première pluie de l'année s'est abattue sur Dakar. Après le long week-end de la fête musulmane de la Tabaski, ses habitants retournent tranquillement au travail, en évitant les flaques d'eau.
"Mon vœu est qu'il dise qu'il ne se représente pas. On lui a déjà accordé 12 ans, il est donc temps pour lui de partir et de céder la place à un autre", estime Abdou Diagne, laveur de voiture de 38 ans. "Pas sûr que les gens restent les bras croisés s'il dit le contraire. Quoi qu'il en soit on prie pour la paix dans le pays", ajoute-t-il, assis sur le capot d'un véhicule.
Samba Fall, 50 ans, pense que le président "va tenir parole". "Je m'attends à ce qu'il dise je remercie le peuple pour la confiance qu'il m'a accordée pendant ces 12 ans, j'ai apporté ma pierre à la construction d'un Sénégal harmonieux et je ne me représenterai pas, comme le prévoit la Constitution". Autrement, "cela va agiter le pays".
Samedi, devant des élus locaux qui ont fait une pétition pour le soutenir, M. Sall a appelé sa famille politique à l'unité et à placer "l'intérêt général" et "l'intérêt de la coalition" devant toute autre considération.
"Mon combat et ma plus grande fierté est vraiment de vous conduire vers la victoire et de poursuivre notre politique économique au bénéfice de nos populations", a-t-il déclaré, soulignant que la feuille de route pour faire du Sénégal un pays émergent en 2035 était déjà "balisée" et appelant à faire face "aux tentatives de déstabilisation".
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