Soudan
Khartoum a connu lundi une deuxième journée de trêve au moment où Genève accueille une conférence internationale consacrée à l'aide humanitaire au Soudan, ravagé depuis plus de deux mois par des combats entre généraux rivaux.
Depuis dimanche matin, les raids aériens et les bombardements d'artillerie ont cessé sur la capitale, une ville de cinq millions d'habitants qui survivent sous une chaleur écrasante, sans électricité et souvent sans eau courante.
Lundi, au deuxième jour de la trêve de 72 heures qui doit prendre fin mercredi à 6h, aucun combat n'était entendu à Khartoum, selon plusieurs habitants interrogés par l'AFP.
Les combats qui ont éclaté le 15 avril entre l'armée, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, ont fait plus de 2 000 morts, selon l'ONG Acled.
Près de 2,5 millions de personnes ont fui leur foyer, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), dont 1,9 million sont déplacées à l'intérieur du Soudan tandis que 550 000 autres ont trouvé refuge dans des pays voisins.
Après une dizaine de trêves systématiquement violées, les belligérants se sont engagés à laisser passer l'aide humanitaire dans ce pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres du monde. Mais les médicaments et les vivres restent rares, car les organisations humanitaires peinent à circuler et les cargaisons arrivées par avion sont souvent bloquées aux douanes.
"Plus de 100 demandes de visa d'une trentaine d'organisations sont toujours en attente", a affirmé William Carter, le directeur du Norwegian Refugee Council au Soudan."Il est clair que l'accès humanitaire est entravé", a-t-il dit. "Nous avons une équipe de 20 personnes prêtes à partir depuis plus d'un mois, nous aurions pu aider 200 000 déplacés".
Selon l'ONU, 25 millions de Soudanais, soit plus de la moitié de la population, ont aujourd'hui besoin de l'aide humanitaire pour survivre.
La conférence de Genève, parrainée par l'Arabie saoudite, a pour but de dégager des fonds pour financer cette aide, alors que les agences de l'ONU disent ne pas avoir reçu un cinquième des financements dont elles ont besoin.
Ces agences doivent aider les pays voisins du Soudan, plongés dans une crise économique ou en proie à des violences, à accueillir les réfugiés.
Elles doivent venir au secours de villes soudanaises où s'entassent des milliers de déplacés, aggravant les besoins en nourriture et en eau, et aider les médecins à faire face aux épidémies qui s'annoncent avec l'arrivée de la saison des pluies.
Dans les zones de combat, la quasi-totalité des hôpitaux sont hors d'usage, après avoir été bombardés ou occupés par les belligérants. Ceux qui restent ouverts n'ont plus de médicaments et une partie des médecins ont fui.
L'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a annoncé lundi avoir besoin immédiatement de 95,4 millions de dollars pour aider 15 millions de personnes au début de la saison agricole, alors que les champs sont laissés en jachère en raison des pénuries de grain et de carburant.
Outre l'Arabie saoudite, le Qatar, l'Égypte, l'Allemagne, l'agence humanitaire de l'ONU (Ocha), l'Union européenne et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) doivent participer à la conférence.
Depuis plusieurs semaines, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis font office de médiateurs entre les deux camps. Ils ont obtenu de courtes trêves mais pas l'ouverture de négociations pour un plan de sortie de crise.
La situation est particulièrement inquiétante au Darfour, une vaste région de l'ouest du Soudan, où s'affrontent militaires, paramilitaires, combattants tribaux et civils armés.
Déjà dévasté dans les années 2000 par une guerre qui a fait environ 300 000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU, le Darfour se dirige vers un nouveau "désastre humanitaire", a averti l'ONU, estimant que les violences dans cette région pourraient constituer des "crimes contre l'humanité".
Dans un communiqué commun, l'ONU, l'Union africaine et l'Igad, le bloc de l'Afrique de l'Est auquel appartient le Soudan, se sont dits "très inquiets du lourd bilan civil" et "des destructions massives" dans le pays.
Au Darfour, "le conflit a désormais une dimension ethnique", ont averti ces organisations, "avec des attaques ciblées basées sur l'identité des gens et des déplacements de populations". Selon l'ONU, plus de 150 000 personnes ont fui le Darfour vers le Tchad.
Le ministère soudanais des Affaires étrangères a de nouveau dénoncé lundi le Kenya, récemment nommé par l'IGAD à la tête d'un quatuor en charge du dossier soudanais, pour avoir évoqué "une guerre entre généraux".
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