Sénégal
Le gouvernement sénégalais a annoncé mardi fermer provisoirement ses consulats généraux à l'étranger à la suite d'attaques contre un certain nombre d'entre eux sur fond de vives tensions sur le territoire national.
"Cette mesure conservatoire fait suite à la série d'agressions récemment perpétrées contre les missions diplomatiques et consulaires du Sénégal à l'étranger, notamment à Paris, Bordeaux (France), Milan (Italie) et New York", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.
Il fait état de "sérieux dommages", notamment à Milan où les machines de production des passeports et cartes d'identité ont été selon lui détruites. Les consulats rouvriront "quand les conditions matérielles et sécuritaires le permettront", dit-il.
Cette fermeture prive des centaines de milliers de Sénégalais de l'étranger des services consulaires comme l'assistance ou la délivrance de passeports.
Le Sénégal a connu entre le 1er et le 3 juin ses pires troubles depuis des années après la condamnation à deux ans de prison ferme de l'opposant Ousmane Sonko dans une affaire de mœurs. Cette condamnation d'une personnalité populaire dans la jeunesse et les milieux défavorisés le rend en l'état actuel inéligible pour la présidentielle de 2024.
M. Sonko n'a cessé de crier au complot du pouvoir pour l'écarter de l'élection, ce que le pouvoir réfute. La condamnation a suscité des heurts qui ont fait au moins 16 morts et des dégâts considérables. Elle a donné lieu à des manifestations à l'étranger.
Le pouvoir et l'opposition se sont rejeté la faute des violences. Le camp présidentiel a invoqué les appels à "l'insurrection" lancés selon lui par M. Sonko pour échapper à la justice. Il a dénoncé les troubles comme une entreprise de déstabilisation de l'État.
L'ONG de défense des droits Human Rights Watch a réclamé l'ouverture immédiate d'une enquête "indépendante et crédible" sur les violences.
Elle a aussi noté dans un communiqué que "l’usage excessif de la force et les arrestations arbitraires" sont devenus courants depuis 2021, et que, ces derniers mois, les autorités ont "réprimé des membres de l’opposition, les médias et la dissidence". Elle voit dans le déchaînement récent un "signe inquiétant" en vue de la présidentielle.
Lundi, trois intellectuels sénégalais de renom, Mohamed Mbougar Sarr, Boubacar Boris Diop et Felwine Sarr, ont imputé les violences à "la dérive autoritaire" du président Macky Sall et au projet qu'ils lui prêtent de briguer un troisième mandat en 2024, malgré les objections constitutionnelles d'un grand nombre.
Un conseiller du président, Yoro Dia, a répondu dans une tribune sur les médias en ligne en leur reprochant un texte "fondamentalement partisan" qui ignore les "appels permanents à l’insurrection" de la part du parti de M. Sonko.
"Ce texte, contrairement au «J’accuse» de Zola qui a été comme un «craquement d’une allumette dans une nuit noire» pour parler comme Mbougar, sera comme les traces d’un chameau dans une tempête de sable", a-t-il dit.
Le chef de l'État a jusqu'à présent gardé le silence sur les évènements, malgré les appels à une prise de parole de sa part.
Il a rendu tard lundi soir une visite non annoncée au khalife général des mourides, puissante confrérie religieuse, a rapporté le quotidien gouvernemental Le Soleil. Le khalife, Serigne Mountakha Mbacké, et les dignitaires religieux sont considérés comme exerçant une influence considérable en politique.
Le contenu des discussions n'a pas été divulgué. Mais "la sagesse de ses conseils (du khalife) dans certaines situations peut contribuer au retour de la paix et de la stabilité au Sénégal", dit Le Soleil.
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