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Sahel : des journalistes déplorent l'état "critique" de la liberté de la presse

Sahel : des journalistes déplorent l'état "critique" de la liberté de la presse
Des journalistes marchent pour la liberté de la presse et contre la précarité du secteur de la presse et des médias au Sénégal, le 3 mai 2017 à Dakar.   -  
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À l'occasion de cette Journée mondiale de la liberté de la presse, une trentaine d'organisations et de médias africains et internationaux (Joliba TV News, L’observateur Paalga, France 24, la Fédération des journalistes africains, RFI, Omega Médias, Le Monde, Wakat Sera, Libération…) se sont unis pour alerter sur les menaces croissantes qui pèsent sur la liberté de la presse au Mali et au Burkina Faso, dans une lettre ouverte adressée aux autorités de ces deux pays et à la communauté internationale.

Ce 3 mai marque le 30e anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse, une liberté fondamentale, une liberté qui "est le fondement même de la démocratie et de la justice", selon le Secrétaire général des Nations unies. Cette liberté qui a valu à la scène médiatique le valeureux surnom de "quatrième pouvoir" est attaquée aux quatre coins du monde, avec une urgence toute particulière dans la région du Sahel, où trente organisations et médias africains et internationaux se sont mobilisés pour interpeller les autorités de ces deux pays et la communauté internationale sur la nécessité de mettre fin aux pressions et aux menaces dont sont victimes les journalistes étrangers et nationaux sur leurs territoires respectifs. 

Dans cette lettre ouverte, ils appellent les deux gouvernements de transition à respecter les engagements internationaux mais surtout la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Les signataires ont exprimé leur inquiétude face aux pressions croissantes et aux menaces de mort qui pèsent sur les journalistes nationaux et étrangers dans les deux pays. Le texte collectif souligne l'importance de la liberté d'expression et de la presse dans le maintien de la démocratie et du droit fondamental des citoyens à être informés.

Les récentes arrestations et emprisonnements de journalistes et de leaders d'opinion au Mali et au Burkina Faso ont suscité des inquiétudes croissantes quant à la liberté d'expression dans ces pays. La lettre critique les mesures prises récemment par le Burkina Faso, comme la suspension des journaux télévisés français RFI et France 24 sur le territoire, en réponse à l'interview par le journaliste Wassim Nader du chef d'Al-Qaïda, Abou Obeida Youssef Al-Annabi, estimant que le journal télévisé donnait ouvertement lieu à la légitimation des actions des terroristes. La région du Sahel est confrontée à l'expansion du terrorisme islamiste depuis plus d'une décennie.

En conséquence, l'idée de la liberté de la presse a été au centre de polémiques dans l'État d'Afrique de l'Ouest. La communauté internationale et certains médias locaux ont accueilli cette décision avec indignation et des accusations de censure, mais selon Wakat Séra, un media d'information général au Burkina Faso, signataire de la lettre ouverte et habituellement très critique à l'égard de la junte au pouvoir, cette division entre les médias et les acteurs politiques n'est qu'un autre vecteur de la tension qui règne sur le territoire.

Dans une interview accordée aux médias burkinabè, le lieutenant-colonel François Yaméogo a déclaré : "Il y a des craintes légitimes qui s'expriment, notamment sur la liberté d'expression et de la presse. Pour ma part, je pense que ces libertés existent et qu'elles doivent exister quoi qu'il arrive", mais que "je pense qu'il faut réguler, compte tenu du contexte, des enjeux du moment et de la relation de cette liberté avec la sécurité et les menaces qui pèsent sur notre nation en ce moment", a-t-il dit, expliquant que "nous sommes dans un contexte où il y a certaines nécessités de limiter certaines libertés dans l'intérêt de la nécessité de lutter contre le terrorisme".

Le directeur de la justice militaire estime que les limitations ne devraient pas concerner les questions de bonne gouvernance et de responsabilité, qui sont également dénoncées. "Cela devrait même contribuer à la lutte contre le terrorisme", affirme le lieutenant-colonel François Yaméogo.

Toutefois, se disant "conscients de leurs responsabilités", mais aussi de "la complexité politique, géopolitique et militaire" dans ces pays, les trente signataires affirment : "la lutte contre le terrorisme ne doit en aucun cas servir de prétexte pour imposer une nouvelle norme de l’information et pour restreindre les droits fondamentaux des populations malienne et burkinabè à rechercher et à avoir accès à l’information par le biais des médias professionnels et indépendants."

D'autres médias locaux, signataires de la lettre ouverte, dénoncent également un accès très limité aux sources et sont souvent accusés d'espionnage même s'ils parviennent à garder leur indépendance.

En citant le quotidien burkinabè L'Observateur Paalga, les auteurs de la lettre ouverte affirment que "l'instauration d'un régime de terreur" s'accompagne d'une vague de "fake news" qui inondent les réseaux sociaux de contre-vérité. Selon eux, "les premières victimes de ces "influenceurs" sont les populations malienne et burkinabè, qui sont privées de débat démocratique."

Bamako a également expulsé certains journalistes étrangers des médias français Le Monde, Libé, Radio France et suspendu la chaîne de télévision locale Joliba TV.

Bien que de nombreux organes de presse locaux aient signé la lettre ouverte, les attaques actuelles et passées contre les médias de ces pays ont principalement visé la presse étrangère, notamment la presse française.

Difficile de ne pas y voir une corrélation avec la volonté farouche de ces pays de rompre tout lien avec l'ancienne puissance coloniale.