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Sénégal : violences sur une députée, une nouvelle ombre sur la démocratie

Sénégal : violences sur une députée, une nouvelle ombre sur la démocratie
Des députés sénégalais participent à la première session parlementaire depuis les élections législatives de juillet 2022, à Dakar, le 12 septembre 2022   -  
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CARMEN ABD ALI/AFP or licensors

Sénégal

Bagarre, injures, attaques personnelles... L'image virale de deux députés de l'opposition frappant une parlementaire du camp au pouvoir jeudi à l'Assemblée nationale jette une nouvelle ombre sur la démocratie sénégalaise, pourtant réputée pour être un modèle sur le continent africain.

Le 1er décembre, dans un hémicycle chauffé à blanc, après des propos qu'il a jugé "irrespectueux" contre son chef religieux et leader de son parti, le député Massaba Samb a giflé Amy Ndiaye, une parlementaire de la coalition présidentielle. Celle-ci a riposté, lancé une chaise, puis reçu un violent coup de pied dans le ventre d'un autre député, Mamadou Niang.

En quelques heures, l'image fait le tour des médias et réseaux sociaux, suscitant l'indignation au Sénégal et ternissant une deuxième fois en moins de trois mois l'Assemblée nationale, déjà décor mi-septembre de scènes chaotiques et de députés s'insultant et en venant aux mains lors de l'élection de leur président.

Dans l'après-midi, Amy Ndiaye s'évanouit en pleine séance. Elle est transférée à l'hôpital. Des députés de son camp assurent qu'elle est enceinte, ajoutant à l'émoi. Le lendemain, le journal privé WalfQuotidien titre "La République giflée", résumant l'état d'esprit d'une partie de l'opinion sénégalaise.

Ennuis judiciaires

Depuis plusieurs mois, la tension monte dans ce pays connu pour sa stabilité et naguère friand de débats d'idées, le camp au pouvoir étant lui aussi accusé de jeter de l'huile sur le feu. Le président Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, reste muet sur ses intentions de se représenter pour la présidentielle de 2024.

Il est accusé par l'opposition de chercher à évincer ses adversaires politiques sous couvert de moyens légaux, à l'instar du principal opposant, Ousmane Sonko mis en cause dans une affaire de viols, mais aussi de l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall (sans lien de parenté avec le président) et de l'ancien ministre Karim Wade (fils de l'ex-président Abdoulaye Wade), qui ont tous deux vu leur trajectoire interrompue par les ennuis judiciaires.

Il y a un mois, un journaliste était inculpé et jeté en prison où il est toujours détenu, les autorités lui reprochant selon les syndicats de presse d'avoir diffusé des messages confidentiels sur le dispositif sécuritaire autour de l'interrogatoire de M. Sonko par le juge, le 3 novembre.

Le pouvoir se défend de toute instrumentalisation de l'appareil d'Etat.

Majorité absolue

Pour la première fois depuis l'indépendance, le camp présidentiel a perdu la majorité absolue qu'il détenait à l'issue des législatives de juillet, qui ont donné un quasi-équilibre des forces à l'Assemblée.

Lundi, la police a confirmé à l'AFP que les deux députés, des membres du Parti de l'Unité et du rassemblement (PUR), une composante de la principale coalition de l'opposition dont le chef est Moustapha Sy, un serigne (guide religieux soufi) très influent dans le pays, sont recherchés.

Des poursuites ont été engagées contre eux par le Parquet à la suite d'un "courrier du président de l'Assemblée nationale", selon l'avocat d'Amy Ndiaye, Baboucar Cissé.

"Cet incident est un coup porté contre l'image du pays, en plus d'être une violence contre les femmes", a affirmé à l'AFP Cheikh Guèye, secrétaire général du Cadre unitaire de l'islam au Sénégal (Cudis), un organe souvent impliqué dans la médiation entre le pouvoir et l'opposition.

Les députés "n'honorent pas la fonction. Ils confondent arène nationale et Assemblée nationale, un lieu où pleuvent les coups mais aussi les insultes, les invectives et attaques personnelles", a-t-il ajouté.

"Notre Parlement est par terre. Quand on atteint ce seuil critique, c'est aux khalifes (chefs de confréries soufies, NDLR), aux politiques et aux (autres) députés, aux imams, évêques et pasteurs" de parler aux députés, a twitté Alioune Tine, figure de la société civile sénégalaise.

Conflits politiques

Les propos d'Amy Ndiaye à l'encontre de Moustapha Sy le 1er décembre à l'Assemblée, où, selon des médias locaux, elle a accusé le serigne de ne pas tenir sa parole et de manquer de respect au président Sall, ont également été fortement décriés au Sénégal.

L'opposition a trouvé ces propos inacceptables et exigé des excuses, qu'elle n'a pas souhaité formuler.

Les chefs religieux jouissent d'une importante considération sociale au Sénégal où ils sont appelés à dénouer des conflits politiques, dans un pays à 95% musulman.

Quelques jours avant les propos polémiques d'Amy Ndiaye, Macky Sall Sall avait réuni le 28 novembre les maîtres coraniques dans la nouvelle ville de Diamniadio, près de Dakar. Il leur a notamment promis un fonds pour appuyer les écoles coraniques, un meilleur traitement aux diplômés en langue arabe et la création d'un prix dédié à la récitation du Coran.

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