Gambie
En Gambie, après les décès de 69 enfants attribués aux sirops antitussifs, les réactions pleuvent. Si les proches des victimes tentent de trouver des forces pour faire leur deuil, les acteurs de la société civile locale attendent davantage des explications des pouvoirs publics.
Sur son téléphone portable, Wuri Bailo Keita garde encore les images de Fatoumata, sa fille de deux ans, décédée d’une insuffisance rénale aiguë. Pathologie développée après un traitement antipaludéen à base d'un sirop de fabrication indienne. Son père décrit la mort atroce d’une fille qui exprimait pourtant sa joie de vivre sur ces vidéos.
" Rien n'est sorti de sa gorge. L'enfant ne mangeait pas, elle ne pouvait pas manger à cause de la douleur. Il y avait même du sang qui sortait de son nez et de sa bouche.", explique Wuri Bailo Keita.
Comme Fatoumata, 68 autres nourrissons seraient décédés d'une insuffisance rénale aiguë depuis juillet en Gambie. Quatre sirops antitussifs fabriqués en Inde sont mis en cause. L’OMS a lancé mercredi dernier, une alerte sur quatre sirops fabriqués par la société indienne Maiden Pharmaceuticals.
Les tests de laboratoire ont révélé des "quantités inacceptables" de diéthylène glycol et d'éthylène glycol, a déclaré l'OMS.
L'impact toxique de ces substances comprend "des lésions rénales aiguës qui peuvent entraîner la mort", a précisé l'agence.
Les proches des victimes sont en quête de réconfort face à l’épreuve.
"Pour moi, nous partageons cette situation triste et dévastatrice avec toutes les familles des 69 enfants. Nous sommes dévastés mais nous devons prendre courage et avoir foi en Dieu.", souligne Mariama Kuyateh, mère d'un enfant décédé.
La Gambie a ordonné fin septembre, après enquête, le rappel le rappel de tous les médicaments contenant du paracétamol ou du sirop de prométhazine. Elles ont cité la bactérie E.coli comme cause possible des décès.
Le ministère indien de la Santé a déclaré jeudi dernier qu'il avait été informé des conclusions de l'OMS le mois dernier et qu'il attendait les résultats de ses propres tests de laboratoire sur les quatre médicaments. Mais à Banjul, l’incurie supposée des pouvoirs publics est pointée du doigt.
"En tant que membre de la société civile, nous sommes consternés. Nous attendons davantage de notre gouvernement. C'est quelque chose qui aurait pu être évité et ils nous ont tous laissé tomber. Et le fait que cette société pharmaceutique n'ait pas été mentionnée, personne ne l'a engagée. Mais ce sont les médias, en réalité, les médias en ligne qui ont essayé d'obtenir des informations. ‘’, dénonce Nancy Jallow, militante gambienne.
Alors que des gambiens pensaient que les responsables sanitaires n’allaient pas survivre à ce drame, le président Adama Barrow a décidé de jouer la carte de la continuité. Le ministre de la Santé Ahmadou Lamin Samateh et le chef de l'Agence de contrôle des médicaments, Markieu Janneh Kaira sont toujours en poste.
Les avocats du pays insistent néanmoins pour que l’enquête annoncée par le pouvoir soit menée par des experts indépendants.
Comment les autorités gambiennes pourront-elles produire des éléments de preuves sur le sujet ? Le pays ne disposant pas en effet de laboratoire pour tester la qualité de médicaments.
Les acteurs politiques saisissent la balle au bond. Une "nation traumatisée se demande quels autres produits pharmaceutiques sont sur le marché et peuvent être faux ou dangereux", tempête le Parti démocratique uni, à l’opposition.
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