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CAN 2021 : l'esprit moins à la fête au Cameroun anglophone ?

CAN 2021 : l'esprit moins à la fête au Cameroun anglophone ?
Un soldat monte la garde à l'entrée du stade de Bafoussam avant le match entre le Sénégal et la Guinée à Bafoussam, au Cameroun, le 14 janvier 2022   -  
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Cameroun

La Coupe d'Afrique des Nations (CAN) au Cameroun rappelle à Tiku Achale ce qu'était le football dans sa ville natale avant les combats et les meurtres.

Tiku Achale se souvient des supporters qui portaient des maillots de l'équipe du Cameroun et des drapeaux dans les rues le jour du match, même si les Lions Indomptables jouait à l'autre bout du pays, dans la capitale Yaoundé, ou ailleurs dans le monde.

Certains des plus déterminés portaient les couleurs complètes de l'équipe, y compris les chaussures de football, se souvient-il. Ce n'est plus le casdans sa ville natale de Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, où des milices anti-gouvernementales parcourent les rues et où il est devenu dangereux de porter un maillot du Cameroun.

Soutien au gouvernement

"Ils ont peur que les combattants les tuent, les battent ou brûlent leurs maisons", dit Tiku Achale à propos des supporters, qui ont pratiquement disparu. C'est qu'un maillot du Cameroun pourrait être interprété par les milices comme un soutien au gouvernement.

Les milices sont présentes depuis que des combats ont éclaté dans les régions occidentales du Cameroun en 2017 entre des séparatistes anglophones et des soldats du gouvernement majoritairement francophone basé à Yaoundé.

Échanges de tirs

Plus de 3 000 personnes ont été tuées dans ces combats et plus de 700 000 ont fui leurs maisons. Buea fut l'un des foyers des combats, avec des échanges de tirs dans les rues et des explosions d'engins improvisés.

La Coupe d'Afrique est passée par la région anglophone, bien que brièvement. Buea a servi de base à quatre équipes pour le début du tournoi, et la ville voisine de Limbe a accueilli les matchs de groupe et deux matchs à élimination directe en huitième de finale.

Rebelles séparatistes

Le tournoi a échappé à tout incident majeur à Buea et à Limbe, mais il y a eu des rappels de ce qu'est le quotidien dans cette region. L'équipe du Mali a abandonné une séance d'entraînement dans un stade de Buea pour être escortée d'urgence à son hôtel sous surveillance armée, alors que des coups de feu retentissaient dans le quartier.

Cette fusillade entre des rebelles séparatistes et des soldats gouvernementaux a fait deux morts et cinq blessés. Obasse Romeo, un habitant de Buea, ancien joueur d'un club local, est circonspect de cette situation. "Les équipes s'entraînaient avec tant d'appréhension. Imaginez qu'il n'y ait que des militaires qui regardent les séances d'entraînement. L'ambiance n'y est pas."

Dissimuler la rébellion

D'autres ont critiqué ce qu'ils appellent une tentative délibérée du gouvernement d'utiliser la CAN pour dissimuler la rébellion. Le Cameroun n'a joué aucun match à Limbe, mais les supporters locaux, qui craignaient la violence, ont été attirés par les matchs grâce à des billets gratuits et, selon certaines affirmations, à un assouplissement des restrictions strictes imposées par la Covid-19 pour s'assurer que les stades ne soient pas vides et préserver l'image du pays hôte.

"Comment les gens peuvent-ils faire la fête et jouer alors que d'autres sont blessés et en larmes ?", s'interroge le révérend Ludovic Lado, prêtre jésuite et militant qui s'est opposé à l'organisation de la CAN au Cameroun.

Atmosphère de violence

Alors que l'équipe du Cameroun s'apprête à jouer les demi-finales à Yaoundé jeudi, avec a une chance d'atteindre une autre finale et remporter un sixième titre africain, le football dans de nombreuses villes de l'ouest anglophone est étouffé dans une atmosphère de peur et de violence.

Des joueurs du club Mount Cameroon FC, basé à Buea, ont récemment été attaqués lors d'une séance d'entraînement par des tireurs inconnus. Des combattants séparatistes ont enlevé et torturé des membres de l'équipe de football de l'université de Buea.

Peur des kidnappings

Le propriétaire d'un club a été tué par des tireurs dans la ville de Kumba. Des entraîneurs ont été kidnappés et de nombreuses équipes locales et semi-professionnelles se sont complètement retirées des compétitions, sonnant le glas du football de masse.

La ligue supérieure du Cameroun est également touchée. Lorsque la Yong Sports Academy joue des matchs à domicile dans la ville de Bamenda, des agents de sécurité lourdement armés entourent le terrain.

Joueurs francophones

À la fin des matchs, les équipes visiteuses sont évacuées par les forces de sécurité, déclare Bakah Derick, journaliste sportif local, "sans avoir le temps de changer de maillot". Cela a commencé, dit Derick, "lorsqu'un groupe armé a attaqué l'équipe visiteuse Dragon FC de Yaoundé".

Les combats ont creusé un fossé entre l'ouest du Cameroun et le reste du pays, mais aussi entre anglophones et francophones. Yong Sports avait l'habitude d'avoir de nombreux joueurs francophones dans son équipe, à l'aise pour défendre les deux cultures. Aujourd'hui, il n'en reste qu'un seul. "Ces joueurs ont peur des kidnappeurs et des balles perdues", explique Wanchia Cynthia, responsable du club Yong Sports.

Dans sa nostalgie, Tiku Achale se souvient surtout de la façon dont certains joueurs vedettes du Cameroun venaient dans les villes de l'Ouest après avoir remporté de grands titres. Il se souvient des visites dans la région de l'ancien joueur Pius N'Diefi, originaire de Kumba, qui faisait partie des équipes camerounaises championnes de la CAN en 2000 et 2002.

Il venait "pour encourager et inspirer les jeunes", avance Tiku Achale. Et de se demander si l'une des stars d'aujourd'hui se déplacerait si le Cameroun remporte la finale de dimanche à Yaoundé. Peut-être que seule l'autre partie du pays fera la fête.

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