Zambie
Les Zambiens doivent décider jeudi, lors d'un vote qui s'annonce serré, s'ils veulent réélire le président Edgar Lungu, décrié pour sa politique économique défaillante et son intransigeance à l'égard de l'opposition, ce qui fait craindre des troubles dans ce pays enclavé d'Afrique australe.
Des violences sporadiques ont opposé militants du Front patriotique (PF) au pouvoir à ceux du principal parti d'opposition, l'UPND, incitant le président à déployer l'armée la semaine dernière, une décision dénoncée comme une tactique d'intimidation par l'opposition.
Lungu "va remporter l'élection haut la main", a déclaré mardi un porte-parole du PF, Antonio Mwanza. "Nous n'attendons aucune forme de violence" mais plutôt que "les perdants de l'opposition soient assez magnanimes, assez patriotes pour accepter la défaite", a-t-il ajouté lors d'un point presse.
Le principal rival du président sortant, âgé de 64 ans, est son opposant historique, un richissime homme d'affaires autodidacte. Haikainde Hichilema, 59 ans, s'est incliné de justesse à deux reprises face à Lungu, réduisant même l'écart la dernière fois en 2016.
Sondeurs et observateurs prévoient un scrutin disputé, qui donnera le ton aux investisseurs intéressés par ce pays riche en cuivre, où plus de la moitié de la population de 17 millions vit dans la pauvreté.
Les difficultés économiques ont érodé le soutien à Lungu, accusé d'avoir emprunté de manière insoutenable pour financer des projets d'infrastructure tape-à-l'œil alors que le coût de la vie montait en flèche.
Dans la capitale Lusaka, bastion historique du parti au pouvoir, les insignes verts du PF dominent les panneaux bordant les routes et autoponts récemment construits, vantant ces "réalisations" du régime.
"Je vote PF", affirme à l'AFP Justina Nsama, qui vend des fruits sur un marché animé du centre. "Lungu est fort et humble à l'égard du peuple", juge cette femme de 42 ans, arborant le visage de son champion sur son T-shirt.
- Scrutin "crédible" -
Les soutiens de l'opposition font profil bas, portant même parfois du vert pour éviter les agressions de leurs rivaux. On appelle ça la "tactique de la pastèque": rouge - la couleur de l'opposition - à l'intérieur, vert à l'extérieur.
"On ne se sent pas en sécurité. Il y a tellement d'intimidations", explique William Njombo, pasteur de 42 ans au siège du parti, un bâtiment discret du centre.
Seul le porte-à-porte a été autorisé, tout meeting interdit en raison de la pandémie. Chaque camp a rusé, organisant des distributions de masques pour se montrer et faire campagne.
Les équipes d'Hichilema, surnommé "HH", se sont vu bloquer l'accès à plusieurs régions, notamment la province centrale et stratégique du Copperbelt, et ses partisans dispersés à coup de gaz lacrymogènes.
Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des listes électorales récemment actualisées qui pourraient défavoriser l'opposition et d'une loi controversée sur la cybersécurité qui pourrait être utilisée pour bloquer l'internet.
"Le régime en place ne reculera devant rien pour manipuler le vote", a déclaré à l'AFP Anthony Bwalya, porte-parole de l'UPND.
Le PF accuse de son côté l'opposition de chercher à "discréditer le scrutin", appelant "quiconque prétend que les élections ne seront pas libres et équitables de fournir des preuves".
Sept millions de Zambiens sont inscrits, les résultats devraient être connus d'ici dimanche. Et la commission électorale promet un scrutin "crédible".
Amnesty International a dénoncé la répression sous Lungu, avec des médias indépendants fermés et des figures de l'opposition emprisonnées. Hichilema lui-même assure avoir été arrêté une quinzaine de fois depuis qu'il fait de la politique.
Lungu concèdera-t-il une défaite s'il est battu? "Il y a de l'appréhension" à ce sujet, estime le juriste O'Brien Kaaba. "Les militaires patrouillant dans les rues créent une dynamique nouvelle", difficile à décrypter.
Si les violences préélectorales ne sont pas rares en Zambie, chaque transition du pouvoir a été pacifique depuis l'adoption de la démocratie multipartite en 1990.
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