Côte d'Ivoire
"Nous n'avons pas d'eau", constate, impuissant, le chef du barrage hydroélectrique d'Ayamé (Sud): en Côte d'Ivoire, il faut attendre la saison des pluies pour en finir en partie avec les coupures intempestives d'électricité qui secouent le pays depuis avril.
Le Sud-Est de la Côte d'Ivoire abrite deux importants barrages hydroélectriques situés à Ayamé, près d'Aboisso, presque à sec, et les grosses pluies attendues à partir de juin sont le seul espoir d'une remontée des eaux.
"Il ne pleut pratiquement pas, le niveau d'eau a baissé de cinq mètres, du jamais vu depuis plus d'une décennie", explique à l'AFP Ladji Koné Vacaba, le directeur du site d'Ayamé.
"Nous traversons une période de sécheresse qui touche tous les barrages du pays: Kossou, Taabo, Soubré et Buyo. Or, l'eau est la matière première du barrage, sans eau, on ne peut pas produire d'électricité. Nous sommes limités par les phénomènes naturels", note-t-il.
A Ayamé, on peut voir le spectacle désolant d'un barrage en décrue qui laisse émerger de l'eau boueuse d'où sortent de grosses pierres où viennent se poser les oiseaux.
En aval du fleuve Bia aux eaux basses couleur latérite, des arbres desséchés sans le moindre feuillage se dressent hors de l'eau.
Malgré la baisse du niveau du fleuve qui irrigue le barrage, des pêcheurs en pirogue s'y aventurent pour jeter leurs filets en espérant pouvoir remonter quelques poissons.
La production ivoirienne d'électricité, la plus importante d'Afrique de l'Ouest, est assurée à 75% par l'énergie thermique, le reste étant fourni par les barrages hydroélectriques.
- "Rationnement" -
Une avarie survenue en avril à la centrale thermique d'Azito d'Abidjan, qui génère le tiers de l'électricité du pays, a provoqué d'importantes coupures de courant, suscitant le courroux des industriels et des consommateurs.
Pour y faire face, "nous avons maximisé la production hydroélectrique alors que le niveau d'eau a baissé dans les barrages", a expliqué le ministre des Mines, du Pétrole et l'Énergie, Thomas Camara.
Mais selon lui, "la situation est bien meilleure qu'avant" le début des coupures en avril. "Les nuits, il n'y a plus de rationnement, le weekend non plus", dit-il, alors qu'en semaine les ménages son rationnés six heures par jour, les industriels étant fournis "pendant 16 heures tous les deux jours".
Il préfère parler de "rationnement du courant" plutôt que de "délestage". "Nous n'avons pas de déficit énergétique car la capacité installée de 2.300 mégawatts est largement supérieure à la consommation de pointe de 1.600 mégawatts, qui équivaut à la demande nationale", explique M. Camara.
Selon lui, "la saison des pluies arrive, le niveau d'eau va se rétablir et nous aurons toutes nos capacités disponibles pour couvrir la demande. D'ici la mi-juillet nous sortirons définitivement de cette situation de rationnement", a-t-il assuré.
Le président de la Confédération des consommateurs de Côte d'Ivoire (COC-CI), Jean-Baptiste Koffi, déplore de son côté un rationnement non officiel qui "met en difficulté les consommateurs". Il affirme que les artisans ou les restaurateurs "subissent une perte d'exploitation de l'ordre de 50% en raison des coupures de courant".
- "Monopole" -
La Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE), privatisée en 1990 et propriété d'Eranove, détient le monopole de l'exploitation du système de production, transport, distribution de l'électricité, ainsi que de sa commercialisation.
La compagnie a exporté en 2020 11% de sa production d'électricité vers six pays voisins - Ghana, Togo, Bénin, Burkina, Mali et Liberia - selon le ministère de l'Énergie.
La CIE a déjà dû faire face à une fronde de ses clients, l'augmentation de ses tarifs ayant généré des conflits sociaux en 2016.
"Là où il y a le monopole, le consommateur ne trouve jamais son compte. Nous condamnons ce monopole et appelons à l'ouverture du marché pour que le droit au choix du consommateur soit garanti", a affirmé le patron des consommateurs ivoiriens.
Première puissance économique d'Afrique de l'Ouest francophone, la Côte d'Ivoire dispose actuellement d'un réseau de 5.000 km de lignes à haute tension et d'une puissance installée de 2.300 mégawatts.
Le gouvernement mise sur un programme de développement de son réseau et ambitionne d'atteindre la barre des 6.600 MW en 2030, et de faire participer les énergies renouvelables au mix énergétique à hauteur de 16%.
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