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Bobi Wine : "La communauté internationale a trahi les Ougandais"

Bobi Wine : "La communauté internationale a trahi les Ougandais"
Bobi Wine, opposant ougandais   -  
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JOEL SAGET/AFP or licensors

Ouganda

Le leader de l'opposition ougandaise Robert Kyagulanyi Sentamu alias Bobi Wine a accordé une interview exclusive à Africanews dans laquelle il revient sur la situation des droits de l'homme en Ouganda qui s'est fortement dégradée depuis la fin du scrutin le 14 janvier.

Les campagnes électorales ont été dominées par des épisodes de violence contre les opposants du président Yoweri Museveni et leurs partisans. Des centaines de militants et de membres de l'opposition ont été portés disparus lors de la répression post-électorale menée par les forces de sécurité. Entretien.

Africanews : Le président Museveni a récemment prêté serment pour son sixième mandat et votre parti fait office d'opposition principale. De plus, étant donné que l'espace politique en Ouganda ne s'ouvre à l'opposition que lors des campagnes électorales, que va-t-il se passer d'ici les prochaines élections en 2026 ?

Bobi Wine : Tout d'abord, la prestation de serment de Museveni était illégale. Il n'est pas un président légitime et nous ne sommes pas non plus de l'opposition. Nos députés au parlement ont été relégués dans le rang de l'opposition en raison de leur nombre et des machinations du régime.

Nous l'avons dit à maintes reprises que nous utiliseront toutes les opportunités et toutes les positions, qu'elles soient électives, morales, religieuses ou culturelles, pour faire avancer notre lutte pour un Ouganda libre et démocratique. Et c'est sur cette base que nos dirigeants ont décidé d'occuper ces postes au Parlement et de s'en servir pour se faire entendre et plaider pour la liberté et la démocratie.

Bien sûr, pendant ce temps, de nombreuses personnes sont enlevées, arrêtées, et leurs droits sont continuellement bafoués.

Africanews : En tant que nouveau parti, comment comptez-vous exister dans un milieu politique fortement militarisé en Ouganda ?

Bobi Wine : Eh bien, le milieu politique ougandais est fortement militarisé et cela est connu. Je vais me concentrer sur la mobilisation et informer le peuple ougandais sur sa situation critique et sa capacité à faire la différence. Le parlement sera un autre front de notre lutte, mais la population doit l'être aussi.

Africanews : Le président Museveni a prêté serment alors que des centaines de vos partisans ont été emportés par la répression post-électorale et sont toujours en prison. Pensez-vous que la communauté internationale a accordé suffisamment d'attention à la situation en Ouganda ?

Bobi Wine : Le peuple ougandais se sent largement trahi par la communauté internationale. Alors que la communauté internationale professe des valeurs, des droits, le respect et la défense, des principes démocratiques, elle a largement trahi le peuple ougandais. Il est clair pour tout le monde que le général Museveni est financé par l'Occident.

Ces fonds sont utilisés pour opprimer et assassiner le peuple ougandais. Pendant que les médias internationaux parlent des exécutions extrajudiciaires commises par la police, de la façon dont l'armée est utilisée pour opprimer et assassiner les gens, cette même armée et cette même police sont constamment financées par l'Occident.

Nous nous sentons donc trahis par la communauté internationale, dont nous faisons partie en tant que peuple ougandais.

Africanews : L'Ouganda continue de recevoir des aides internationales et a récemment conclu un important accord pétrolier avec Total, malgré les preuves croissantes de violations des droits de l'homme. Pensez-vous que les investissements en Ouganda devraient être conditionnés au respect des droits de l'homme ?

Bobi Wine : Comme je l'ai dit, nous nous sentons largement trahis. Nous avons constamment demandé à la communauté internationale de faire du respect des droits de l'homme, de la démocratie et de l'état de droit, une condition préalable à la coopération avec l'Ouganda. Mais, bien sûr, comme il s'est avéré, tous ces appels sont tombés dans l'oreille d'un sourd.

Cela nous fait penser que la communauté internationale est plus préoccupée par le profit que par le respect des valeurs. Cela en fait des partenaires du crime, qui encouragent et soutiennent le terrorisme interne perpétré par le régime de Museveni.

Africanews : Vous avez contesté les résultats de l'élection du 14 janvier au tribunal avant de retirer votre recours, alors que vous clamiez avoir remporté ce scrutin et en détenir des preuves, des preuves que vous n'avez jamais présentées pour examen.

Bobi Wine : J'ai présenté toutes les preuves. J'ai présenté d'énormes preuves devant__ la Cour suprême de l'Ouganda. Mais la cour les a rejetées ces preuves__ parce qu'elle travaille justement sur les ordres du général Museveni. Les juges ont violé toutes les règles et nié tous les précédents établis par la même Cour suprême de l'Ouganda.

J'ai présenté de nombreuses preuves. Le tribunal les a refusées alors que la cour suprême les avaient reçues. J'ai présenté des vidéos [montrant des irrégularités], et je les ai également partagées sur les médias sociaux.

Ce sont les mêmes preuves sur lesquelles la communauté internationale, l'Union européenne et le département d'État américain se sont appuyés pour discréditer et dénoncer les prétendues élections du 14 janvier parce qu'elles n'étaient ni libres ni équitables. Ces preuves sont donc là. On en a toujours parlé. C'est la première fois que l'on me dit que je n'ai pas étayé mes arguments par des preuves.

Africanews : Quelles leçons tirez-vous de cette élection ?

Bobi Wine : Beaucoup de leçons. Mais en résumé, je dirais que les Ougandais sont livrés à eux-mêmes. Ils ne sont pas soutenus et ne seront pas soutenus par les institutions étatiques clairement compromises, ni même par la communauté internationale.

Les Ougandais sont livrés à eux-mêmes. Ceux qui ont les armes peuvent opprimer le peuple et personne ne leur demandera des comptes tant que le peuple lui-même ne décidera pas de se montrer à la hauteur et de demander des comptes à ces personnes.

Les Ougandais sont donc livrés à eux-mêmes. C'est la plus grande leçon que j'ai apprise.

Africanews : Vous avez dit lors d'une précédente interview accordée à Africanews avant le 14 janvier que "les Ougandais votaient en signe de protestation". Êtes-vous toujours convaincu que les élections peuvent apporter des changements en Ouganda ?

Bobi Wine : Tant que la communauté internationale maintiendra la même attitude, une attitude complaisante -et tant que le peuple ougandais ne se mobilisera pas, nous ne verrons peut-être jamais de changement avec un vote.

Nous aurons juste quelques agitateurs élevés à des positions de pouvoir, de confort, ce qui les calmera. Mais pour obtenir un changement fondamental, il faudra que le peuple ougandais s'implique massivement, non seulement dans les élections, mais aussi dans l'affirmation de son droit et de sa volonté.

Africanews : Vous avez sorti nouvelle chanson intitulée "Akatengo" dans laquelle, vous dites que le régime ougandais utilise la terreur, installe la peur et qu'en retour la population devrait s'inspirer cette même peur à ses dirigeants. Appelez-vous à un soulèvement populaire ?

Bobi Wine : Oui. J'ai toujours appelé à un soulèvement et je continue à le faire. J'ai été clair, je ne crois pas en la violence, je crois en un soulèvement constitutionnel. Cette élection était un soulèvement. Et je continue à appeler les Ougandais à se lever sans armes et à faire entendre leur voix. Donc oui, j'appelle à un soulèvement.

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